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Budget 2014 : "C’est de l’enfer des pauvres qu’set fait le paradis des riches". Première analyse du budget 2014 et commentaires de JC Le Duigou ( économiste-CGT- )

Budget 2014 : les ménages paieront pour les entreprises

Le projet de loi de finances (PLF), présenté en Conseil des ministres confirme le transfert de charges des entreprises vers les ménages.

La version officielle n’est bien sûr pas celle-ci. "Nous préférons faire des économies plutôt que d’augmenter les impôts", ont affirmé le ministre de l’Economie Pierre Moscovici et son collègue délégué au Budget Bernard Cazeneuve, en préambule de leur présentation du projet de budget 2014. Mais les chiffres sont clairs et la balance penche du côté des ménages.

 La compétitivité des entreprises financée par la TVA :

Le grand coup de pouce vient du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), une ristourne accordée aux entreprises de 20 milliards d’euros, qui pèsera 10 milliards en 2014 avant une montée en puissance l’année suivante. "Nous avons choisi de concentrer nos efforts sur une palette large de mesures pour la compétitivité des entreprises", a justifié Pierre Moscovici devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale, en rappelant que l’investissement privé, "moteur essentiel de la croissance", était "celui qui reste le plus à la peine".

Moscovici se garde de préciser que le CICE doit être essentiellement financé par la plus lourde mesure appelée à peser sur les ménages l’an prochain : le relèvement de 19,6 à 20% du taux normal de la TVA, et de 7 à 10% du taux intermédiaire. Le projet présenté mercredi prévoit d’ailleurs un nouveau taux record de prélèvements obligatoires en 2014, à 46,1% du produit intérieur brut (PIB), même s’il a été revu à la baisse fin août, à la faveur d’un rebond de croissance, par rapport à la prévision initiale (46,5%).

 Nouvelles charges pour les entreprises... compensées

Le projet de budget 2014 prévoit bien quelques nouvelles charges, mais au final les prélèvements obligatoires, sans prise en compte du CICE, sont "stabilisés" l’an prochain pour les entreprises. Le gouvernement introduit une nouvelle taxe de 1% portant sur "l’excédent brut d’exploitation" (EBE), qui "correspond à la ressource que l’entreprise tire de son exploitation après avoir rémunéré ses salariés et payé ses consommations intermédiaires". Cette taxe, dont sont exemptées les PME dégageant un chiffre d’affaires de moins de 50 millions d’euros, doit "permettre un gain de 2,48 millards d’euros en 2014", selon le texte du projet de loi de finances. Par ailleurs, les entreprises vont également être taxées lorsqu’elles versent des salaires de plus d’un million d’euros, la fameuse "taxe à 75%". Cette taxe concernera donc les très grandes entreprises. Elle visera à peine 1.000 dirigeants ou salariés, dans 470 entreprises, et pesera 260 millions d’euros l’an prochain.

  Alourdissement de la fiscalité des ménages

Plusieurs ponctions supplémentaires sont prévues :

— > l’augmentation de la TVA (recette attendue de 6,5 milliards)

— > la suppression de niches comme celle sur les enfants scolarisés dans le secondaire et le supérieur (soit une recette de 440 millions pour l’Etat), celle bénéficiant à certains salariés bénéficiaires d’une complémentaire santé (recette estimée à 960 millions d’euros), ou celle concernant les retraités ayant élevé au moins trois enfants (recette prévue de 1,2 milliard)

— > l’abaissement du quotient familial (qui doit rapporter 1,03 milliard d’euros en 2014)

— > la possibilité offerte aux départements de relever les droits de mutation, autrement dit les "frais de notaires", ce qui pourrait rapporter au maximum 930 millions d’euros en 2014

— > A cela s’ajoutera de nouveaux transferts de charge dus au coupes annoncées dans le budget de l’Etat comme dans celui de la Sécurité sociale, ainsi que dans les dotations de l’Etat aux organismes publics et aux collectivités territoriales. Il faudra bien payer, au sens propre comme au sens figuré, les 15 milliards d’économies que le gouvernement escompte de ce côté là. Sans compter la future réforme des retraites, qui alourdit encore la barque des salariés, ceux-ci devant faire "des efforts"...

Pour faire passer la pilule, l’Etat a prévu des mesures de rattrapage du pouvoir d’achat en réindexant le barème de l’impôt sur le revenu sur le coût de la vie et en mettant en place une décote qui profitera à 6 à 7 millions de foyers fiscaux, dont le volume est estimé à 893 millions d’euros. Il va aussi baisser le taux de TVA sur les billets de cinéma, ce qui lui coûtera 60 millions d’euros.

Tout à son slogan d’obtenir 100 milliards d’allégement de ses charges sociales, le Medef reste dans l’outrance et qualifie de "mauvais coup" pour la compétitivité des entreprises et l’emploi. L’organisation de Pierre Gattaz vise particuièrement le nouveau prélèvement de 1% sur l’excédent brut d’exploitation (EBE) appliqué aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires de moins de 50 millions d’euros. "Par ailleurs, l’introduction d’un mécanisme de "taxe carbone" (...) apparaît particulièrement inopportune. Cette nouvelle spécificité fiscale française pénalisera le "made in France", et va se traduire rapidement par de nouvelles charges importantes pesant sur les entreprises." Le déluge n’est pas loin, à en croire la représentation patronale.

Les records détestables du budget 2014

Le projet de loi de finances pour 2014, présenté ce mercredi, se solde en fait par des cadeaux aux entreprises d’un niveau sans précédent, ainsi que des coupes dans les dépenses publiques jamais osées. Au nom d’un prétendu «  coût du travail  » qui occulte 
un autre coût, tabou dans le discours libéral : celui du capital.

Le budget de l’État pour 2014 restera dans les annales comme celui qui programme les plus fortes réductions de dépenses publiques jamais décidées. Des coupes à hauteur de 15 milliards d’euros ont été annoncées. Autre «  première  », concomitante : jamais un gouvernement n’avait décidé d’octroyer autant d’avantages fiscaux aux entreprises. Avec le crédit d’impôt compétitivité-emploi, celles-ci bénéficieront d’un allégement fiscal de 20 milliards d’euros. qui vient s’ajouter au pactole des 200 milliards d’aides publiques diverses déjà octroyées.

 12 milliards d’impôts et taxes en plus

En bout de chaîne, les citoyens, les simples contribuables paieront doublement la facture : via les difficultés accrues des services publics à remplir leur mission et via une hausse des prélèvements fiscaux de 12 milliards, dont 6 au travers de la seule hausse de la TVA au 1er janvier prochain.

Ce serait là, nous explique le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, le prix à consentir pour «  gagner la bataille de la croissance, c’est-à-dire de la compétitivité des entreprises  ». Comme si la panne de croissance, le manque d’investissement de nos entreprises ou encore le chômage de masse étaient imputables à un «  coût du travail  » excessif. L’évolution du partage de la richesse créée fait litière de cette assertion.

 9% de la richesse nationale vers les dividendes

Depuis trois décennies, c’est le capital, entendre les banques et les actionnaires, qui a accru sa part du gâteau des richesses créées, au détriment du travail. Le patron du Medef, Pierre Gattaz, peut se lamenter sur le poids des « charges » sociales : l’an dernier, les entreprises ont déboursé presque deux fois plus pour leurs frais financiers que pour les cotisations à la Sécu.

Rançon des abandons des gouvernements successifs, de droite ou socialiste, face à la croisade permanente du patronat, le capital vampirise sans cesse davantage les richesses créées par le travail.

Les dividendes, qui représentaient 3% de la richesse nationale en 1980, en pèsent désormais 9%… Pour effectuer ce prélèvement, les actionnaires exigent des entreprises des rentabilités excessives, au détriment des salaires et de l’emploi, et n’investissent plus.

 Grand tabou

Voilà le grand tabou qu’il s’agit de lever : le coût exorbitant du capital, occulté par la propagande sur le «  coût du travail  ».

Et c’est à l’aune de ce phénomène que le budget 2014 doit être regardé : toutes les mesures d’exonérations fiscales et sociales consenties au patronat, sans contrepartie, n’ont jusqu’ici servi qu’à accompagner, et encourager cette financiarisation de l’économie, à servir davantage les intérêts financiers que l’on nous dit par ailleurs vouloir combattre.

Un seul exemple, spectaculaire, pointé récemment par la Cour des comptes : les entreprises ont reçu 19 milliards d’euros au titre du crédit d’impôt recherche, mais elles n’en ont utilisé que 9 milliards pour leur activité de recherche… Difficile de mieux dire l’urgence d’un réexamen de l’ensemble de ces aides, à l’aune de critères sociaux, environnementaux, d’investissement productif. Difficile de mieux dire l’injustice des mesures d’austérité annoncées, devant tant de gâchis de fonds publics.


Loi de finance :Jean-Christophe Le Duigou ( Economiste CGT ). Des affirmations dangereuses et fausses !

Bernard Cazeneuve chausse-t-il les lunettes libérales ? En affirmant 
que « chaque économie supplémentaire que nous faisons, ce sont des impôts en moins pour les Français », 
le ministre du Budget retourne trois quarts de siècle en arrière.

Il rejoint curieusement l’argumentation 
des économistes libéraux qui n’ont de cesse 
de faire reculer le rôle de la puissance publique 
dans l’économie en mettant en avant le poids excessif des impôts. Jusqu’à la grande crise de 1930, 
le volume des dépenses de l’État n’était pas considéré comme une variable susceptible d’influencer 
le niveau d’activité de l’économie. Impôts 
et dépenses devaient s’équilibrer comme dans
 le budget de la ménagère.

L’analyse de l’économiste britannique 
John Maynard Keynes a modifié cette conception 
en soulignant l’impact de la politique budgétaire 
sur le niveau d’activité économique d’un pays. La plupart des pays développés ont mené depuis les années 1930 des politiques budgétaires actives lors des périodes 
de récession ou de moindre croissance.

L’affirmation de Bernard Cazeneuve est donc dangereuse. Dans un contexte de très faible croissance, l’effet conjoncturel de coupes budgétaires peut être 
désastreux. A fortiori quand elles se généralisent 
à tout le continent européen.

L’affirmation est aussi fausse. Si la baisse de la dépense publique déprime un peu plus l’activité, les recettes fiscales vont se contracter. Il va falloir alors augmenter les impôts pour contenir le déficit. On aura bien d’un côté moins de dépenses publiques et de l’autre non pas moins d’impôts mais plus de prélèvements.

Faudrait-il jeter par-dessus bord cette double leçon ? Ne faut-il pas plutôt s’interroger sur les dépenses utiles à promouvoir et les crédits inutiles qui renforcent la croissance financière à couper ? De la même manière, 
il faut promouvoir une fiscalité qui taxe les gâchis 
de ressources et libère du pouvoir d’achat. 
Une sélectivité tout à l’opposé de la régression 
qu’affiche le ministre du Budget 

Article publié le 27 septembre 2013.


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