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Crise financière mondiale : il y a des solutions !

 Il y a un an déjà éclatait la crise dite des subprimes, ces prêts immobiliers consentis outre-Atlantique aux ménages les moins fortunés, transformés par les établissements bancaires en valeurs mobilières « titrisées » pour être placés sur les marchés financiers.

 Partie des ??tats-Unis, cette énième convulsion du « capitalisme financier », suite logique du krach de la « nouvelle économie » de 2000, s’est propagée à de nombreux pays (Royaume-Uni, France…) causant des dégâts plus ou moins graves. Elle s’accompagne aujourd’hui d’un durcissement des conditions de crédit, durcissement défavorable à l’activité. Le présent dossier vise à rendre compte.

 Pour grave qu’elle soit, la crise financière, avec ses conséquences graves pour les travailleurs et pour l’économie, est la manifestation d’une crise structurelle beaucoup plus profonde qui résulte des années de déflation salariale, de récession sociale. Son issue nécessite de rompre avec les politiques anti-salariales et antisociales.

 Pour en savoir plus cliquez sur les liens suivants :

Nous sommes devant une crise structurelle et non seulement une crise financière

La financiarisation n’est pas une dérive du capital, mais le point d’aboutissement de sa logique

Les impasses du discour libéral

Les entreprises et les pouvoirs publics doivent assumer leurs responsabilités

Les mots de la crise, petit lexique à l’attention des profanes

 Pour accéder au dossier complet :

Note économique de la CGT.

18 MOIS DE CRISE

 Dès la fin 2006, le marché de l’immobilier se retourne aux Etats-Unis. Les prix reculent et les particuliers surendettés ne peuvent plus faire face à leur remboursement.

 8 février 2007
Le titre de la banque HSBC dégringole à la bourse de New-York après l’annonce d’un relèvement de ses provisions à 10 milliards de dollars pour créances immobilières douteuses.

 2 avril 2007
Le n°2 américain du « subprime », New Century, se déclare en faillite

 18 juillet 2007
Bear Stearns, la 5e banque d’affaires de Wall Street indique que ces deux hedge funds qui ont lourdement investi dans les titres de créances immobilières ne valent plus rien.

 2 août 2007
Fermetures de trois fonds monétaire d’Oddo et Cie qui est un partenaire de la Banque postale.

 6 août 2007
Faillite d’American Home Mortgage, autre spécialiste du subprime.

 9 et 10 août 2007

La banque allemande IKB est en difficulté, en France BNP Paribas suspend trois de ses fonds. L’Europe découvre qu’elle n’est pas à l’abri de la crise des subprime qu’on trouve même dans des sicav jugées peu risquées. L’affolement gagne quand les banques suspendent leurs opérations de refinancement, cessant de se prêter des capitaux à court terme par crainte de l’insolvabilité de l’une ou de l’autre. La BCE injecte 150 milliards d’euros en deux jours pour satisfaire les demandes de prêts des banques. La Fed lui emboîte le pas en injectant sur le marché 62 milliards de dollars.

 13 août 2007
Goldman Sachs injecte 3 milliards de dollars dans un de ses fonds infecté.

 17 août 2007
La Fed abaisse son taux directeur à 5,75 %.

 22 août
Lehman Brothers ferme sa filiale BNC Mortgage 23 août
Bank of America investit 2 milliards de dollars dans Countrywide Financial

 13 septembre 2007
La BBC révèle que la banque Northern Rock, cinquième prêteur immobilier du Royaume-Uni, est au bord du gouffre. A court de liquidités, elle vient de demander une aide d’urgence à la Banque d’Angleterre pour faire face à ses engagements. Dès le lendemain, les clients pris de panique se ruent dans les agences de Londres, Birmingham ou Leeds pour retirer leurs avoirs.

 1er octobre
UBS est la première banque suisse à annoncer une dépréciation d’actifs de 4 milliards de francs suisses (2,4 milliards d’euros).

 29 octobre 2007
Le PDG de Merrill Lynch, qui a perdu 2,24 milliards de dollars, démissionne.

 31 octobre
La Fed baisse ses taux de 0,25 point.

 4 novembre
Démission du PDG de Citigroup. La 1re banque américaine, qui totalise plus de 2 200 milliards de dollars d’actifs et emploie 332 000 salariés dans le monde, est elle aussi touchée par la crise : elle annoncera quelque 10 milliards de pertes au 4e trimestre 2007.

 15 novembre 2007
La Fed injecte à nouveau 47,25 milliards de dollars sur les marchés financiers.

 11 décembre 2007
La Fed abaisse encore ses taux de 0,25 point.

 17 janvier 2008
Merrill Lynch annonce 9,8 milliards de pertes au 4e trimestre 2007.

 18 janvier 2008
George W. Bush annonce un plan de relance de 150 milliards de dollars.

 22 janvier 2008
Baisse spectaculaire de 0,75 point des taux de la Fed.

 24 janvier 2008
Daniel Bouton, PDG de la Société Générale, annonce à la presse la découverte d’une fraude d’une ampleur exceptionnelle (4,9 milliards d’euros) dont l’auteur présumé, Jérôme Kerviel, est un trader de 30 ans. L’annonce éclipse une autre information : la crise du subprime oblige la Société générale à provisionner 2 milliards d’euros. Moins d’un an plus tôt, Daniel Bouton assurait que la facture ne dépasserait pas les 200 millions…

 30 janvier 2008
Nouvelle baisse 0,50 point des taux de la Fed dont le taux principal tombe à 3 %.

 15 février 2008
UBS annonce une perte de 12,4 milliards de francs suisses au 4e trimestre 2007.

 17 février 2008
Le gouvernement britannique nationalise la banque Northern Rock.

 12 mars 2008 Les pertes liées au subprime sont estimées à 2 000 milliards de dollars.

 16 mars 2008
La Morgan Chase rachète, avec l’aide financière de la fed, Bear Stearns pour le prix dérisoire de 236 millions de dollars.

 18 mars 2008
Baisse de 0,75 point du taux de la Fed à 2,25 %.

 1er avril 2008
Démission du PDG d’UBS qui augmente le lendemain son capital de 15 milliards de francs suisses.

 13 mai 2008
Le Crédit Agricole, dont on apprendra qu’il a perdu 6 milliards d’euros dans la crise du subprime, augmente son capital de 5,9 milliards d’euros.

 13 juillet 2008
Les autorités américaines annoncent qu’elles soutiendront Freddie Mac et Fannie Mae qui détiennent près de la moitié de l’encours total des crédits immobiliers américains. Ces deux géants du refinancement hypothécaire dont les cours en bourse ont chuté de plus de 90 % depuis le début de l’année seront finalement nationalisés à titre provisoire le 7 septembre, le Trésor américain garantissant la dette de chacun à hauteur de 100 milliards de dollars.

 29 juillet 2008
Merill Lynch se déleste à perte de plus de 30 milliards de dollars d’actifs « toxiques » et lève 8,5 milliards.

 30 juillet 2008
Le Congrès américain vote un plan de sauvetage de l’immobilier de 300 milliards de dollars.

 10 août 2008
UBS, Citigroup et Merrill Lynch rachètent à leurs clients pour 49 milliards de dollars d’obligations à enchères.

 10 septembre 2008
Lehman Brothers annonce 3,9 milliards de perte au troisième trimestre.

 15 septembre 2008
Mise en faillite de Lehman Brothers, 4e banque d’affaires américaine et rachat de Merrill Lynch par Bank of America.

 17 septembre 2008
En échange d’un prêt de 85 milliards de dollars la réserve fédérale américaine prend 79,9 % du capital d’AIG pour sauver le premier assureur américain de la faillite. Ce qui n’empêche pas la panique sur les places financières, comme à Paris où le CAC passe sous les 4 000 points, son plus bas depuis trois ans.

 17 septembre 2008
Le trésor américain renfloue la Fed à hauteur de 40 milliards de dollars tandis que le gouvernement russe injecte 44 milliards de dollars pour assurer la liquidité des banques russes.

 18 septembre
Fusion entre HBOS (Halifax Bank of Scotland) et Lloyds TBS, pour sauver HBOS, premier prêteur hypothécaire britannique, dont le cours a chuté de 52 % la veille.

 19 septembre
Les « gendarmes » des marchés britannique et américain interdisent pour plusieurs semaines les « ventes à découvert » sur les valeurs financières.

 19 septembre
Six banques centrales (Réserve fédérale américaine, Banque centrale européenne, Banque d’Angleterre, Banque du Japon, Banque du Canada et Banque nationale suisse) s’engagent à injecter 180 milliards de dollars sur le marché monétaire du dollar.

 20 septembre
Pendant le week-end le gouvernement américain finalise la création de la vaste structure de « défaisance » annoncée la veille. Ce fonds doté de 700 milliards de dollars est destiné à reprendre tous les actifs pourris des banques pour tenter de sauver le système bancaire américain et Wall Street.


Face à la crise financière, Jean-Christophe Le Duigou, économiste et dirigeant de la CGT, met en garde contre les illusions du discours éthique et d’une simple réglementation. Il plaide pour une valorisation du travail par les salaires et fait trois propositions pour dynamiser l’économie réelle.

Un article d’Yves Housson paru dans l’Humanité le 29 septembre 2008

  ?? en croire Nicolas Sarkozy, la crise financière actuelle ne serait pas celle du capitalisme, elle trouverait son origine dans un défaut de régulation du système. Quelle analyse en faites-vous ?

 Jean-Christophe Le Duigou. J’ai un désaccord de fond avec le diagnostic posé par le président de la République. Il ne s’agit pas simplement d’un dérapage du système, qu’il faudrait compenser, et pour l’avenir empêcher les conséquences du fonctionnement de ce système. Cette crise est le produit des contradictions de la logique économique à l’oeuvre. On ne peut pas faire pression en permanence sur l’emploi, les salaires, toutes les formes de rémunération, y compris la protection sociale, et les dépenses publiques, sans, de l’autre côté, nourrir la croissance financière. Il y a bien une symétrie entre cette crise financière - déclenchée par les subprimes qui n’étaient qu’un moyen, du point de vue des prêteurs immobiliers, de contourner l’insuffisance du pouvoir d’achat des Américains - et, de l’autre côté, la crise sociale.

Ce qui est en cause, ce n’est pas seulement tel ou tel comportement plus ou moins répréhensible, du point de vue du droit ou de la morale : c’est le modèle économique et financier de croissance mis en place il y a un peu plus de vingt ans, à partir des ??tats-Unis, et qui était censé nous apporter, avec la fin de l’histoire, un développement continu. En réalité, ces deux dernières décennies ont été marquées par trois crises monétaires et financières successives. Chacune a justifié des mesures de réglementation, ce qui n’a pas empêché que la bulle spéculative se reconstitue à chaque fois sur la base de cette déflation salariale.

 Ne pourriez-vous, malgré tout, partager la critique faite par le chef de l’ ??tat lorsqu’il dit : « On a financé le spéculateur plutôt que l’entrepreneur » ?

 Jean-Christophe Le Duigou. J’y croirais volontiers si on remplaçait le « on » par une analyse des choix publics qui ont été faits ces dernières années et la désignation de leurs responsables. Quand on réduit les prélèvements fiscaux sur les ménages les plus aisés, quand on « aide » l’entreprise sans contrôle, quand on privatise l’ensemble des institutions financières, et quand on a un ??tat qui, de plus en plus, se nourrit du produit de ces privatisations, il ne faut pas dire : « on » assiste à la financiarisation, mais « les gouvernements » ont contribué à ce que la bulle financière, qui explose maintenant, se développe.

 Les responsabilités en la matière ne sont pas seulement franco-françaises.

 Jean-Christophe Le Duigou. En effet. ?? l’échelon européen aussi, l’orientation est biaisée. Nous avons une politique européenne monétaire et financière qui ne discrimine pas entre usages utiles et inutiles de l’argent, mais qui renforce l’austérité salariale : l’indicateur fétiche de M. Trichet, président de la BCE, c’est le coût unitaire de la main-d’oeuvre dans la zone euro… Au niveau mondial, on déplore l’absence d’un système monétaire ordonné qui permettrait de répondre aux urgences du développement. Depuis que les accords de Bretton Woods se sont effondrés, que l’on a fait du dollar à la fois la monnaie d’un pays et la monnaie internationale de réserve, et que les mouvements de capitaux ont été libéralisés, la spéculation a pu jouer à plein. Au bout du compte, le crédit, qui est un peu le carburant de l’économie, a été monopolisé pour valoriser les actifs financiers, au lieu de servir le développement économique et social. C’est un problème à l’échelle du monde.

 De tous les côtés, on entend dire, après des années de discours sur la « liberté du marché », qu’il faut réhabiliter le rôle de l’ ??tat en matière économique…

 Jean-Christophe Le Duigou. Qu’il faille une intervention publique, aucun économiste sérieux ne le niera. Après tout, le marché est quelque chose d’organisé par la puissance publique. La vraie question est de savoir à quoi sert l’intervention publique. Aujourd’hui, on la justifie pour éviter l’effondrement du système. L’intervention publique va certes contenir la crise, mais au prix d’une injection de liquidités et de fonds publics sans précédent. Il est clair que s’il n’y a pas un développement économique et social parallèle, ces masses financières fantastiques vont venir accroître de manière exceptionnelle la valeur des actifs. On aura un rebond de la croissance financière et on ira vers la quatrième crise, en 2012.

 Le débat sur les solutions à la crise tourne beaucoup autour du besoin d’imposer de nouvelles règles aux banques…

 Jean-Christophe Le Duigou. La régulation en soi ne résout pas les problèmes. On l’a vu lors des crises précédentes : après chaque crise, il y a eu un mouvement de régulation. On a simplement déplacé les comportements d’un secteur financier, où ils ne pouvaient plus se développer aussi librement, à un secteur dérégulé. Plus on réglementait un secteur, plus on apportait d’argent ailleurs. Là, on va peut-être réguler les hedge funds (fonds d’investissement à risque - NDLR)… La réglementation n’est pas inutile, mais elle ne peut marcher que si elle se combine avec des réponses aux questions du développement de l’économie réelle, des activités productives de biens et de services. D’où l’enjeu d’une régulation qui intègre ces préoccupations. Doit-on, par exemple, continuer à prêter de l’argent au même taux lorsqu’il est destiné à une opération purement financière et lorsqu’il est destiné à investir dans le développement de la production énergétique, de la construction automobile plus respectueuse de l’environnement, de la formation professionnelle, ou de l’emploi ? La sélectivité du crédit serait le moyen de réarticuler réglementation et développement de l’économie réelle.

  Pour Nicolas Sarkozy et le gouvernement, la bonne réponse de fond à la crise serait d’« accélérer le rythme des réformes » engagées depuis 2007, en particulier de poursuivre la réduction du « coût du travail ». Et Mme Parisot, au nom du MEDEF, réclame à cor et à cri la baisse des prélèvements obligatoires des entreprises. Que leur répondez-vous ?

 Jean-Christophe Le Duigou. Première observation : le coût unitaire du travail a été réduit de dix points en dix ans. L’industrie allemande nous taille des croupières en Europe et dans le monde sur la base d’un coût horaire de la main-d’oeuvre de 15 points supérieur à celui de la France. Là n’est donc pas la cause de la perte de compétitivité de notre pays. Deuxième constat : contrairement aux dires du président, augmenter les exonérations de cotisations sur le travail, c’est dévaloriser le travail. Et c’est ce qui s’est passé : nous souffrons d’une insuffisance d’emplois qualifiés. La compétitivité, dans l’essentiel des secteurs d’activité, ne porte pas sur ce fameux coût du travail, mais sur une série d’autres éléments : formation, qualification, recherche, organisation… Le président n’a rien dit sur le fait que les entreprises françaises sont, en Europe, parmi celles qui font un effort de recherche des plus réduits. Il n’a pas dit non plus que l’effort national de formation professionnelle n’a pas cessé de régresser durant ces douze dernières années.

 En quoi une vraie « valorisation du travail », comme vous le réclamez, serait une réponse à la crise ?

 Jean-Christophe Le Duigou. Pour l’écrasante majorité des PME, le seul débouché à leur activité, c’est le débouché interne. Et qu’est-ce que ce débouché interne sinon les salaires versés par les autres entreprises ? D’autre part, comment peut-on vouloir inciter le salarié à développer son implication dans le travail, sa formation, sa qualification, si on persiste dans la situation actuelle où nous avons 4 salariés sur 10 payés à moins de 1,33 SMIC ? Donc, du point de vue des débouchés comme du point de vue du développement des capacités humaines, la question des salaires est absolument incontournable. C’est pourquoi il faut aussi revoir les exonérations de cotisations qui contribuent à bloquer les salaires.

En même temps, il n’y a pas qu’un problème de demande. Il s’agit d’impulser une dynamique de développement économique. Pour cela, la CGT met trois éléments dans le débat. D’abord, la mise en place d’une sécurité sociale professionnelle : il s’agit d’éviter que le salarié perde son emploi (ce qui ne signifie pas forcément maintenir les emplois tels qu’ils sont), de faire en sorte qu’il garde un niveau de rémunération, qu’il puisse accéder à la formation. Je propose qu’on l’expérimente dans le secteur de l’industrie où, si l’on ne fait rien, on risque de perdre des centaines de milliers d’emplois dans les mois à venir. Avec la crise actuelle, les délocalisations d’activités, les fermetures vont en effet se multiplier.

Deuxièmement, nous demandons la mise sur pied d’une politique industrielle moderne, et pour cela, nous proposons de réunir une conférence nationale permanente, qui aiderait à faire des choix collectifs permettant d’avoir une vraie stratégie de développement. Il reste des outils d’intervention publique, il faut en reconstruire d’autres dans les domaines de la recherche, de la formation, de l’action territoriale, il faut rebâtir, redonner cohérence aux filières à partir de la maîtrise de « noeuds technologiques ».

Troisième idée : pour réorienter le financement, nous proposons de mettre en place un pôle financier public. Il y a des bases : la Caisse des dépôts, OSEO, qui est censé financer l’innovation et le développement des PME, La Banque postale…

Nous n’avons pas la prétention de faire un programme mais de montrer que cette crise majeure, dont on n’a pas encore mesuré toutes les conséquences, doit être l’occasion d’un réexamen de fond du fonctionnement du système économique. Il est impossible de se contenter d’un discours éthique sur les affaires : ce serait le meilleur moyen de préparer la quatrième crise.

Entretien réalisé par Yves Housson


Ce qui doit changer

Après les ébranlements qui ont marqué le système financier dans la semaine du 15 au 21 septembre, un calme tout relatif semble s’installer sur les marchés. Le « Journal du dimanche » s’est même permis de titrer « La crise financière est finie » (1). « A quel prix » serait-on tenter de dire ! Les ??tats-Unis se portent garants des créances et actifs bancaires à hauteur de 1000 milliards de dollars. Cette somme s’ajoute aux centaines de milliards de dollars injectées sous forme de liquidités par les banques centrales depuis plusieurs semaines. Comme ce premier levier ne suffisait pas, il fallait que l’ ??tat intervienne, donnant le signe qu’il acceptait de « socialiser les pertes » des banques.

Beaucoup de commentateurs insistent sur le tournant que représente cette massive intervention publique. Elle démontre bien le rôle irremplaçable de l’ ??tat, seul à avoir la capacité d’affirmer en dernier ressort l’intérêt général (2). Mais ce retour recèle une contradiction majeure : l’effort massif de relance va servir une fois de plus à éponger les dettes, alors que les besoins sociaux et d’investissement vont continuer à être négligés. Le soulagement risque donc de n’être que de courte durée.

D’abord la récession semble certaine dans plusieurs pays européens : Royaume-Uni, Italie ; sans doute Allemagne et Espagne. Si l’hypothèse d’une crise mondiale est peu crédible, c’est grâce à la dynamique propre de croissance de pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud… L’Europe, elle, se trouve placée devant un problème majeur : une ou deux années de croissance ralentie à moins de 1% est l’hypothèse la plus probable pour la France et l’Union européenne.

Ensuite, le répit risque de n’être que de courte durée. La prochaine crise va se préparer à partir des réponses apportées à la précédente. Ne vivons-nous pas la troisième crise en vingt ans ? Les mécanismes vont être les mêmes. L’injection massive de liquidités dans le système financier va générer de nouvelles bulles spéculatives et de nouveaux déséquilibres majeurs. Les cycles financiers sont s’amplifier et se raccourcir et l’on peut, sans grand risque de se tromper, pronostiquer un nouvel embrasement en 2012 ou 2013.

Il ne suffit donc pas d’annoncer que l’on va « châtier les coupables » ou que l’on va accroître la réglementation dans la sphère financière, pour répondre aux problèmes posés. En rester là, ce serait passer à côté des causes de la financiarisation à l’œuvre maintenant depuis trente ans. C’est s’attaquer à la fièvre alors qu’il faut traiter la maladie.

La rupture doit être plus profonde

 Ce qui est en cause c’est le modèle économique et financier de croissance qui s’est imposé à partir des ??tats-Unis ces deux dernières décennies. Ce modèle est à bout de course et il doit être transformé parce qu’il ne répond pas aux trois grands défis de l’heure : – celui d’abord des mutations technologiques et du travail, poussées par la révolution informationnelle, qui appellent de nouvelles interventions collectives ; – celui ensuite de l’environnement et du climat car on ne peut continuer à assurer un haut degré de rentabilité par la prédation des biens publics que sont l’eau, les ressources naturelles, le climat ; – celui enfin de la démographie qui exige des investissements majeurs dans la formation, la qualification, la recherche et le développement des capacités humaines.

 C’est la non-réponse à ces questions qui favorise la financiarisation. Que se passe-t-il ? Les dangers se multiplient, alors on « titrise les dettes » et on répartit les risques sur les différents marchés. Le pouvoir d’achat est insuffisant, alors on multiplie les prêts aux ménages à partir d’un marché hypothécaire qui s’hypertrophie. Le capital manque pour développer les entreprises alors, via les LBO et autres montages, on le remplace par des endettements (3). Pour clore le tout, les banques centrales maintiennent des taux d’intérêt bas, mais sans sélectivité, ce qui alimente ces mécanismes pervers.

Alors que le monde du travail souffre d’une déflation (pertes de pouvoir d’achat, réduction des emplois, précarisation du travail…), nous assistons à une inflation financière massive. Pire, plus cette dernière menace, plus on demande de sacrifices aux salariés.

Trois priorités

 Ce qui est en cause c’est bien le contenu de la stratégie de développement. Il faut inflexions et ruptures à la fois dans la sphère réelle et dans la sphère financière. D’où trois priorités : – plus de dépenses pour le développement des hommes et des travailleurs, avec une véritable sécurité sociale professionnelle et de nouveaux services publics et sociaux ; – une orientation des financements, épargne et crédit, vers l’investissement, la recherche, les nouvelles productions. Une politique industrielle européenne est indispensable, de même qu’un pôle public de financement ; – une affirmation du poids des travailleurs et de leurs représentants dans toutes les sphères de l’entreprise et de la vie sociale. Il faut donc, pour ce faire, des droits nouveaux et des négociations à tous les niveaux

 Cette crise financière peut marquer un tournant. Son contenu dépendra de la capacité des organisations syndicales à faire prévaloir de nouvelles réponses aux problèmes posés.

Article publié le 1er octobre 2008.


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