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Décryptage du rapport Gallois : Un choc contre le travail. La France dans la course au moins disant salarial.

Le Premier Ministre vient d’annoncer de nouvelles mesures présentées au nom du développement industriel et de l’emploi.

Alors que trois rapports publics ont souligné le manque d’évaluation de l’efficacité des aides publiques dont bénéficient déjà les entreprises :

 Le rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi de février 2006,

 Le rapport du CESE sur la compétitivité de l’économie française d’octobre 2011,

 Le rapport de la Cour des comptes sur le financement de l’économie de juillet 2012,

le Gouvernement a préféré s’en remettre au rapport d’un grand patron.
Le dispositif Ayrault est fondé sur la logique contestable et contestée de la baisse du coût du travail.

La « première mesure massive, et sans précédent » consiste en un « allègement de 20 milliards d’euros du coût du travail ». Ce nouveau cadeau s’ajouterait aux 172 milliards d’aides dont bénéficient déjà les entreprises.

Contrairement à ce que demande la CGT, leur efficacité en terme d’emplois et d’investissement productif n’a toujours pas été examinée sérieusement.
La CGT conteste fortement les volets essentiels de ce dispositif :

 Les ménages seraient doublement pénalisés : leur pouvoir d’achat diminuerait à cause de la hausse de la TVA (à raison de 7 milliards d’euros) et de la fiscalité écologique (3 milliards d’euros).

 La baisse des dépenses publiques se traduirait par la dégradation de la qualité des services publics et par de nouvelles pressions sur les agents de l’Etat, des collectivités et de la Sécurité sociale. Cette mesure risque donc de peser sur le potentiel de la croissance économique et sur l’emploi, sur le pouvoir d’achat et la réponse aux besoins sociaux.

 Toutes les entreprises dans tous les secteurs, indépendamment de leur taille et de leur situation financière bénéficieraient des nouvelles aides, y compris celles qui engrangent des profits ou distribuent un haut niveau de dividendes à leurs actionnaires.

C’est inacceptable !

Nombre d’entreprises pourraient cumuler les exonérations de cotisations sociales actuelles à ce nouveau crédit d’impôt. Les entreprises qui paient leurs salariés entre le SMIC et 1,6 SMIC gagneraient de l’argent alors qu’elles ont déjà très largement bénéficiaires d’exonérations de cotisations sociales.

L’avenir de l’Industrie et de l’Emploi nécessite un nouveau mode de développement fondé sur une véritable valorisation du travail. C’est le travail qui est créateur de richesse et c’est bien le capital qui coûte cher.

En trente ans, la masse salariale des entreprises a été multipliée par 3,6 alors que la somme des dividendes versés aux actionnaires a été multipliée par 20. C’est la première cause de la baisse des investissements et la désindustrialisation.

Assurer ce nouveau mode de développement nécessite de lutter contre la spéculation en mettant notamment à contribution les revenus financiers des entreprises et des particuliers.
La CGT appelle les salariés du public et du privé à se mobiliser massivement le 14 novembre dans le cadre de la journée d’action européenne contre les politiques d’austérité en Europe et pour l’Europe sociale en participant aux manifestations unitaires qui seront organisées dans leurs départements.

Montreuil, le 7 novembre 2012


Compétitivité : la "quasi totalité" du rapport Gallois reprise par le gouvernement

Crédit d’impôt de 20 milliards d’euros pour les entreprises, hausse de la TVA, fiscalité écologique... Le Premier ministre a annoncé que le "pacte de compétitivité" du gouvernement "reprend la quasi-totalité des préconisations" du rapport Gallois qui en compte 22. Le détail des principales mesures annoncées.

 Télécharger le rapport Gallois :

Rapport Gallois.

Le détail des mesures gouvernementales sur le portail de Matignon

Les principales mesures :

 Les entreprises bénéficieront d’un crédit d’impôt d’un montant de 20 milliards d’euros. Il s’étalera sur 3 ans : 10 milliards la première année, 5 milliards la seconde et 5 milliards la troisième. Il portera sur les salaires compris entre un et 2,5 fois le Smic".

 Les taux de la TVA vont changer au 1er janvier 2014. La TVA sur les produits de première nécessité à 5,5% passe à 5%. La restauration et les travaux de rénovation de logement passent de 7% à 10%. Le taux normal, actuellement à 19,6%, augmente à 20%.

 Un groupe de travail sur la fiscalité écologique annoncé lors de la conférence environnementale conduira ses travaux dans la perspective de la mise en place d’une recette d’au moins 3 milliards d’euros d’ici à 2016.

 Baisse des dépenses de l’Etat de 10 milliards en 2014 et 2015.
Un projet de réforme bancaire serait soumis au Conseil des ministres du 19 décembre.

 Améliorer les dispositifs favorisant la détention et transmission d’entreprises.

 Aider les jeunes entreprises innovantes.

 Un fonds de 500 millions d’euros pour les PME "confrontées à des difficultés de trésorerie" pour favoriser les "incitations aux investissements dans les PME".

 Porter "le nombre d’apprentis à 500.000".


Rapport Gallois : compétitivité, un choc contre le travail (décryptage)
Entretien avec l’économiste Nasser Mansouri ( CGT ) paru dans le quotidien L’Humanité du 6.11.2012.

La mise en œuvre d’un « choc de compétitivité » par une baisse massive de cotisations sociales est une impasse économique. Le but véritable de l’opération  ? Réduire la masse salariale pour mieux servir le capital. La crise appelle un nouveau mode de développement.

  ?? qui profite la compétitivité ?
« La crise systémique en cours doit nous faire réfléchir. Pour reprendre une formule d’Einstein, on ne peut résoudre les problèmes avec les modèles de pensée qui les ont engendrés.

Nous sommes dans un monde mondialisé où, sous la pression du capital et des firmes multinationales, l’élément essentiel est devenu la mise en concurrence des travailleurs et des systèmes socioproductifs, des régimes de protection sociale, au bénéfice des firmes multinationales.

La compétitivité renvoie à cette conception : il faut être plus fort par rapport aux autres. Mais qui va être gagnant, qui sera perdant ? En regardant ce qui s’est passé au cours des trente dernières années, on voit que les gagnants sont les détenteurs de capitaux et la partie la plus riche de la population partout dans le monde.

Et les perdants, les salariés, les sans-emploi, les retraités. Une régression, dans la mesure où les richesses créées par le travail sont de plus en plus accaparées par les détenteurs de capitaux. Si on veut sortir de cette crise, ce qui est en jeu, c’est de dépasser cette mise en concurrence des travailleurs et des systèmes socioproductifs, et d’établir des coopérations permettant le développement et le progrès social partout dans le monde.

Plutôt qu’en termes de compétitivité, mieux vaudrait donc poser la question : quelle performance globale, ou quelle efficacité économique et sociale pour répondre aux besoins qui s’expriment dans nos sociétés, en France, en Europe ou dans le monde ? »

 Capital, travail, qu’est-ce qui coûte vraiment à l’économie française ?

« Les déterminants de la compétitivité sont de deux ressorts  : compétitivité coût et compétitivité hors coût. Bizarrement, lorsqu’on parle de compétitivité coût, le débat est focalisé sur le coût du travail.

Or, il y a deux facteurs de production : le travail et le capital. Qu’est-ce qui coûte vraiment à l’économie française ?

Si on prend le cas des entreprises non financières (industrielles et de services), leur masse salariale a été multipliée par 3,6 depuis une trentaine d’années. Pendant ce temps, la somme des dividendes versés aux actionnaires a été multipliée par 20.

Si le travail était vraiment l’élément de blocage de l’économie, il aurait fallu que le rapport soit inverse. Non, ce qui a coûté pendant ces trente années, c’est le capital qui s’est accumulé et dont le coût s’est renchéri.

Si on prend en compte les revenus de propriété versés aux propriétaires, dont les dividendes, ainsi que les charges d’intérêts des entreprises, on voit la même chose : ces charges augmentent beaucoup plus vite que les autres postes dans les comptes des sociétés. Et cela a un impact négatif sur l’emploi et l’investissement  : depuis 2003, le montant des dividendes dépasse les investissements réalisés dans les entreprises. Quant à la compétitivité hors coût, donc tout ce qui a trait à la qualification des travailleurs, à la recherche et développement, à l’innovation, en France, ce sont des éléments de faiblesse. Par exemple, les dépenses de R&D représentent 2,21 % du PIB, contre 2,8 % en Allemagne, 3,4 % en Suède, 3,9 % en Finlande, près de 3 % aux ??tats-Unis et 3,5 % au Japon. Rappelons que l’objectif de Lisbonne était de 3 %.  »

 Un choc contre la rémunération du travail

« Les cotisations sociales, c’est du salaire socialisé. Quand le patronat demande un choc de compétitivité en baissant de 40 milliards les cotisations, cela signifie concrètement qu’il demande une baisse de salaires, de la masse salariale, d’autant.

Le coût sera reporté sur les ménages, avec tous les effets négatifs que cela induit sur la consommation, la demande intérieure, et in fine la croissance économique. On nous dit qu’il faut le faire pour affronter la concurrence. Mais cette baisse de cotisations, le patronat la demande pour toutes les entreprises, tous les secteurs, même ceux qui ne sont pas exportateurs et ne sont pas menacés par des concurrents qui viendraient de l’extérieur.

La concurrence est un prétexte  : l’enjeu, en vérité, c’est moins pour le travail, plus pour le capital.

Admettons qu’on baisse de 5 points par exemple les cotisations. Dans le secteur de l’automobile, devenu déficitaire en quelques années, pour une voiture vendue 10 000 euros, cela permettrait de baisser le prix de 60 euros.
Pense-t-on vraiment qu’on va résoudre comme cela notre déficit commercial ? On cherche en réalité à éviter ce constat  : les constructeurs n’ont pas eu une stratégie de développement sur le long terme, la politique de délocalisation a été désastreuse. Et derrière cela, il y a la question fondamentale de la conception du travail : est-ce un coût à réduire, ou bien un atout pour la société qu’il faut valoriser  ? »

 Le rôle clé de l’investissement public

« L’appel lancé récemment par 98 patrons dit  : “L’ ??tat doit dépenser moins.” Mais ils ne précisent pas quelles dépenses…

L’investissement public joue un rôle déterminant pour l’environnement des entreprises, les infrastructures. Aujourd’hui, les deux tiers des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales, lesquelles sont confrontées au problème de financement et ont du mal à avoir accès au crédit bancaire. Par ailleurs, la puissance publique, ??tat et collectivités, accorde chaque année quelque 170 milliards d’euros aux entreprises sous forme d’aides, abattements, exonérations. Pour quelle efficacité ?

Mais quand le patronat parle de diminuer les dépenses publiques, il ne parle pas de celles-là. Dans la mesure où ils veulent payer moins d’impôts, et ne veulent pas remettre en cause ce genre de dépenses, l’économie porterait sur les dépenses socialement et économiquement utiles. »

 Le contre-exemple de l’Allemagne

« Derrière la compétitivité, l’idée c’est que le salut viendrait essentiellement des exportations, qu’on aurait besoin d’une stratégie axée sur les exportations. Or, historiquement on le voit, une telle stratégie ne permet pas d’avoir un développement équilibré. Les pays exportateurs de pétrole en fournissent un exemple caricatural.

L’essentiel du commerce extérieur des pays européens se réalise en Europe. Qu’est-ce que cela signifie  ? Si tous les pays européens voulaient exporter, cela conduirait à une stratégie d’appauvrissement des voisins. Chacun voulant augmenter sa part sur un marché qui est limité et qui se rétrécit avec la généralisation de l’austérité, tout le monde ne peut gagner.

On l’a vu en Allemagne avec la stratégie non coopérative mise en œuvre dans les années 2000. En exerçant une forte pression sur les salaires, l’Allemagne a augmenté ses exportations, mais au détriment des autres pays de l’UE, y compris la France. Et cela a été aussi catastrophique pour les travailleurs allemands : il y a eu affaiblissement de la consommation des ménages, donc de la demande, et au final une récession plus forte outre-Rhin qu’en France, et la précarité et la pauvreté se sont développées, avec, notamment, les “emplois à deux euros”. On n’a pas besoin d’un “choc” de ce genre, mais d’un nouveau mode de développement répondant aux besoins sociaux. »

 Changer de mode de développement

« Pour sortir de la crise, il faut changer de mode de développement. Plusieurs leviers pour cela. Si on pense que la crise résulte de la dévalorisation du travail, la clé pour en sortir est de revaloriser le travail.

Cela revêt plusieurs dimensions  : l’emploi, et l’emploi qualifié en particulier, les salaires, les conditions et le contenu du travail. Pourquoi toujours chercher de la flexibilité du côté du travail ? La rentabilité exigée par les marchés financiers est considérée comme intouchable, et il faudrait moduler le social en fonction de cette exigence  : voilà ce qu’il faut inverser.

Deuxième levier  : la promotion de l’investissement productif, pris au sens large, les équipements mais aussi l’immatériel, la R&D, la qualification des salariés.

Pour ces deux objectifs, il faut se poser la question du financement :

comment changer la logique de l’intervention des banques, qui doit être la promotion de l’investissement productif, de l’emploi qualifié, de la recherche ? On voit l’importance d’avoir un pôle financier public. Le taux de change de l’euro est également un facteur important. Toutes ces questions renvoient aussi aux objectifs et au fonctionnement de la Banque centrale européenne. Il faut aussi réformer la fiscalité, en sorte que l’impôt sur les sociétés pénalise les entreprises qui privilégient le versement de dividendes, plutôt que l’investissement productif.

Ici aussi des coordinations sont indispensables au niveau européen. Enfin, si la politique économique peut créer un cadre favorable, la stratégie des entreprises compte autant. Il est donc important que les travailleurs puissent intervenir sur les choix de gestion des entreprises afin qu’elles répondent aux exigences de la société. »


Choc de compétitivité : NON MERCI !

Le mensuel Alternatives Economiques consacre dans son numéro de novembre 2012 un dossier complet à la question de la compétitivité dans le secteur industriel.

Pour accéder au dossier cliquez sur la vignette :

Dossier Alternatives Economiques.

 Introduction au dossier :

Le "choc de compétitivité" :
nombreux sont ceux qui l’attendent comme le retour du Messie. Un tel choc est en effet censé, dans l’esprit de ses promoteurs, nous sortir d’un coup de la nasse de la désindustrialisation et du chômage de masse.

Comment réalise-t-on un tel miracle ? Pour l’essentiel, il suffirait, nous dit-on, d’abaisser brutalement le coût du travail pour les entreprises. Autrement dit, quel que soit le mode opératoire retenu, il n’y aurait qu’à diminuer un bon coup les revenus des salariés et de leurs familles. Que ce soit via des taxes supplémentaires amputant leurs salaires nets pour compenser la diminution des cotisations sociales patronales, si on souhaite conserver le niveau actuel de la protection sociale.

Ou en taillant dans les revenus de transfert procurés par cette protection sociale, si on veut limiter la hausse des prélèvements sur les ménages. Dans l’esprit de ses partisans, un tel choc permettra de redresser les marges des entreprises, de limiter les déficits extérieurs en exportant davantage et d’attirer les investisseurs en France. Avec à la clef plus d’emplois et donc moins de chômage. Le problème c’est que les inconvénients certains d’un tel choc - l’appauvrissement des salariés et de leurs familles - se réaliseraient à coup sûr, tandis que les avantages que le pays est censé en tirer ont en revanche très peu de chances de se matérialiser dans le contexte actuel.

Un remède inadapté

Entendons-nous bien : la gravité de la situation de l’économie française ne fait guère de doute avec une désindustrialisation qui progresse à pas de géant, des déficits extérieurs abyssaux, des marges laminées… Mais la France se trouve déjà au bord de la récession et l’austérité budgétaire, programmée par ailleurs, va amputer lourdement l’activité au cours des prochains mois. Dans un tel contexte, un choc de compétitivité ne pourrait qu’aggraver encore les choses par ses effets récessifs à court terme, tant en France qu’en Europe. En choisissant de rétablir d’abord, et à marche forcée, les comptes publics, le gouvernement s’est de facto privé de toute marge de manoeuvre pour mener une politique de l’offre favorable aux entreprises.

N’y a-t-il donc rien à faire ? Si. Malgré cela, on peut, et on doit, remettre à plat le financement de la protection sociale qui pénalise aujourd’hui l’industrie. Mais il s’agit plutôt de transférer des charges entre les entreprises. On peut et on doit aussi s’attaquer sans tarder aux problèmes structurels qui handicapent depuis longtemps l’industrie dans ce pays. En améliorant le financement des entreprises et le soutien à l’innovation, bien sûr, mais aussi en corrigeant les défauts chroniques d’un système éducatif qui ne forme correctement qu’une élite, au prix bien souvent de l’échec des autres, et en s’attaquant aux modes de management autoritaires qui ne laissent pas de place aux salariés et à leurs représentants. De telles actions ne peuvent certes avoir d’effets qu’à long terme, mais raison de plus pour les engager sans tarder.

Guillaume Duval ( économiste Alternatives Economiques )


La France, dans la course au moins disant salarial

Le 6 novembre dernier Jean-Marc Ayrault a rendu public les conclusions que le gouvernement a tirées du rapport remis la veille par Louis Gallois à propos de la compétitivité industrielle du pays. Même si l’allègement du coût du travail de 20 milliards d’euros promis par le gouvernement ne devrait pas avoir d’effets négatifs sur la consommation en 2013, il participe à la course au moins disant salarial qui aggrave la crise de la zone euro.

La principale mesure annoncée par le premier ministre consiste en un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui devrait être accordé aux entreprises sous la forme d’une baisse de l’impôt sur les sociétés qu’elles auraient eu à verser au titre de l’année 2013 et des suivantes. Celles qui ne réalisent pas de bénéfices percevront un chèque de l’Etat. Cet allègement sera progressif : 10 milliards d’euros au titre de 2013 et 5 milliards de plus les deux années suivantes, soit dans 3 ans, un total de 20 milliards d’euros, 1 % du produit intérieur brut (PIB). Ce crédit d’impôt sera calculé en proportion de la masse salariale versée par les entreprises aux salariés qui perçoivent entre 1 et 2,5 fois le Smic, soit 3500 euros bruts mensuels environ actuellement, selon des modalités qui restent à préciser. 85 % des salariés seraient ainsi concernés. La rémunération totale des salariés dans l’économie française a représenté 1 067 milliards d’euros en 2011. 20 milliards d’euros représentent donc a priori un allègement inférieur à 2 % de ce coût total. Le gouvernement affirme cependant que le coût du travail des personnes concernées baisserait de 6 %, un calcul qui reste mystérieux pour l’instant…

Hausse de la TVA

Pour compenser cette perte pour le budget de l’Etat, le taux normal de TVA serait porté de 19,6 % actuellement à 20 % en janvier 2014 ce qui rapporterait de 2 à 2,5 milliards d’euros. Le taux intermédiaire de 7 % (qui s’applique notamment à la restauration et au bâtiment) serait quant à lui porté à 10 % pour des rentrées estimées entre 4 et 4,5 milliards d’euros. Tandis que le taux de TVA réduit (principalement l’alimentation) serait ramené de 5,5 à 5 %. L’ensemble rapportant de l’ordre de 6 milliards d’euros. 4 milliards devraient encore être trouvés à travers d’autres taxes et notamment des taxes environnementales, tandis que ce cadeau aux entreprises devrait être financé également par une baisse supplémentaire de 10 milliards d’euros des dépenses publiques.

La technique du crédit d’impôt permet que les entreprises anticipent 10 milliards de bénéfices supplémentaires l’an prochain, tandis que les pertes pour les comptes publics ne seront constatées qu’en 2014. Ce qui limite l’effet récessif à court terme de la mesure, objection soulevée à juste titre contre le transfert de cotisations sociales vers la CSG ou la TVA que souhaitait Louis Gallois.

Des créations d’emploi incertaines

Les entreprises vont-elles pour autant se remettre tout d’un coup à investir et embaucher en France ? Il y a lieu d’en douter malgré ce qu’affirme Jean-Marc Ayrault, qui promet, grâce au CICE, 300 000 emplois de plus à l’horizon 2017. Dans le contexte très déprimé de l’économie française, encore aggravé l’an prochain par la forte austérité budgétaire déjà décidée par ailleurs, il y a de fortes chances que les entreprises utilisent plutôt ces profits supplémentaires soit pour investir hors de France, dans les pays émergents notamment, soit pour verser encore plus de dividendes à leurs actionnaires, majoritairement étrangers en ce qui concerne les grands groupes.

Ce type de mesures engage surtout la France dans la course au moins disant salarial qui bat déjà son plein en Europe, en particulier dans les pays en crise. Comme tous nos voisins pratiquent déjà ce genre de politique, la pression est effectivement forte pour que la France suive à son tour le mouvement, au risque sinon que son déficit extérieur déjà très important s’accroisse encore et que disparaisse le peu d’industrie qui lui reste. Mais globalement, cette spirale de baisse des salaires ne peut guère que prolonger et aggraver la crise européenne en nourrissant la dépression qui entraîne déjà la zone euro vers le fond.

Guillaume Duval


Pierre Khalfa : "C’est une véritable cure d’austérité que le gouvernement prépare"
Le coprésident de la fondation Copernic, qui a signé un rapport intitulé « En finir avec la compétitivité » (ci-dessous), réagit aux mesures annoncées par le gouvernement qui reprend pour l’essentiel les préconisations du rapport Gallois.

Entretien paru dans le quotidien L’Humanité du 7 novembre 2012.

 Quelle est votre appréciation globale des mesures annoncées par le gouvernement ?

Pierre Khalfa. Le gouvernement reprend pour l’essentiel les préconisations du rapport Gallois, qui lui-même reprenait principalement les exigences du patronat.

 Quel regard portez-vous sur le transfert annoncé d’une partie de la fiscalité des entreprises vers les ménages ?

Pierre Khalfa. Le rapport Gallois préconisait un transfert direct des cotisations patronales sur les ménages, les mesures du gouvernement prévoient un transfert indirect par le biais d’un crédit d’impôt. C’est un cadeau au patronat de 20 milliards d’euros.

L’augmentation de la TVA qui en finance une partie est particulièrement injuste puisqu’elle touche de manière disproportionnée les classes populaires, qui consomment l’essentiel de leur revenu. Il s’agit d’un retour de la « TVA sociale » de Nicolas Sarkozy, que François Hollande avait condamnée et que son gouvernement a abrogée.

C’est un reniement majeur. De surcroît, les ménages payeront deux fois. Car une nouvelle baisse des dépenses publiques de 10 milliards d’euros est également prévue. Elle s’ajoute à celles déjà programmées d’ici à 2017. C’est une véritable cure d’austérité que le gouvernement prépare.

 Cette mesure est-elle de nature à permettre la relance de l’économie ?

Pierre Khalfa. Alors que l’économie stagne, que l’investissement des entreprises est au plus bas, couper dans les dépenses publiques et réduire la consommation des ménages, en augmentant la TVA, ne peut qu’entraîner la France dans une logique récessive qui enfoncera le pays dans la crise. Les allégements de cotisations sociales représentent déjà plus de 30 milliards d’euros en contrepartie desquels le patronat s’était engagé à embaucher.

Résultat  : un simple effet d’aubaine. Même la Cour des comptes a indiqué que l’effet sur l’emploi est incertain.

 Ces mesures visent la réduction du « coût du travail ». Est-ce le véritable problème ?

Pierre Khalfa. En France, le coût du travail dans l’industrie est inférieur à celui de l’Allemagne. Mais le coût du capital n’est jamais abordé.

Les dividendes versés aux actionnaires en 2010 représentaient 9 % de la valeur ajoutée des sociétés non financières, contre 5,6 % en 1999. Il faut s’attaquer à la financiarisation des entreprises.

Leurs dépenses en recherche et développement, par exemple, sont passées de 44 % des dividendes en 1992 à 25 % aujourd’hui. Il existe de multiples solutions pour bloquer cette financiarisation, comme limiter le montant des dividendes versés aux actionnaires.

 Vous avez signé un rapport intitulé « En finir avec la compétitivité » . En quoi cette notion, sur laquelle prend appui le gouvernement, vous paraît-elle nuisible ?

Pierre Khalfa. L’objectif de la compétitivité est de réduire la masse salariale, et donc la demande intérieure, pour exporter et gagner des parts de marché contre ses voisins.

Or aujourd’hui les économies de l’Union européenne sont totalement intégrées et les excédents commerciaux des uns sont les déficits des autres. Croire que l’on peut transformer tous ces pays en exportateurs sur le modèle allemand est une illusion dont la conséquence, avec la réduction de la demande interne, est un effet récessif global.

Cette notion est mortifère : elle favorise la concurrence de tous contre tous et la guerre économique permanente au lieu d’un modèle de développement basé sur la coopération, sur la satisfaction des besoins sociaux et sur la transition écologique.

 Télécharger le rapport intitulé" En finir avec la compétitivité" (Attac/Fondation Copernic) :

En finir avec la compétitivité.

Article publié le 8 novembre 2012.


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