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Interview de Bernard Thibault, Secrétaire général de la Cgt, pour le journal Les Echos

 Ce matin s’ouvre la première conférence sociale du gouvernement, sur le thème des conditions de travail. Comment la CGT l’aborde-t-elle ?

Si toutes les conférences sociales sont au diapason, le bilan pour les salariés risque d’être extrêmement maigre. Il y a un fossé entre ce que le gouvernement est susceptible de mettre sur la table et le constat que nous pouvons faire de la dégradation des conditions de travail. Ce sommet aurait d’abord dû permettre d’évaluer la négociation sur la pénibilité, qui avance bien timidement au regard des engagements parlementaires de 2003. Ce ne sera pas le cas. Quatre ans après la réforme des retraites, il n’y a toujours aucun dispositif permettant de faire reconnaître la pénibilité. Tout cela nous renforce dans notre détermination, à participer, le samedi 13 octobre, à la journée d’action pour la reconnaissance des métiers pénibles, au côté de la Fnath et de l’Andeva.

 Vous appelez à une journée de grève le 18 octobre pour protester contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. Ne craignez-vous pas que cette mobilisation donne l’impression de défendre les acquis de certains contre l’intérêt général ?

Nous ne sommes pas en train de défendre une partie des salariés contre l’autre. Ce qui se joue à travers la réforme des régimes spéciaux, c’est le contenu de la troisième réforme des retraites. Ce qui se profile, c’est un nouvel allongement de la durée de cotisation pour tous les salariés. Selon le gouvernement, on ne peut pas régler le problème des retraites autrement qu’en passant à 41 ans, puis à 42 ans de cotisation. Il faudrait que l’allongement de l’espérance de vie se traduise automatiquement par une durée de l’activité professionnelle sans cesse plus longue. La CGT propose une autre approche : si l’on consacrait 3% de plus du PIB au financement des retraites, on pourrait assurer l’équilibre du système en 2020. Cela représente une hausse de 0,2% par an. Est-ce si déraisonnable ? Il faut savoir, en outre, que les retraités qui bénéficient le plus de la solidarité des salariés, ce sont les non-salariés (agriculteurs, artisans, commerçants), et non les régimes spéciaux. Et pourquoi l’équité serait-elle l’alignement par le bas ? Pourquoi dans ce cas s’arrêter aux retraites ? On pourrait aussi supprimer les comités d’entreprise et les délégués du personnel, qui existent dans certaines entreprises et non dans d’autres !

 La réforme va pouvoir être négociée entreprise par entreprise ...

Mais on nous refuse le débat de fond. Les principes sont déjà arrêtés : l’allongement de la durée de cotisation et l’indexation des pensions sur les prix et non sur les salaires. Déjà 64 % des retraités ont moins de 900 ??? par mois, cela ne fera qu’empirer et ce n’est pas possible.

 Vous poursuivez demain la négociation sur le marché du travail. Le dialogue avec le patronat est-il bien engagé ?

Nicolas Sarkozy a fait le choix de plomber cette négociation en prenant explicitement parti pour les propositions patronales, et notamment pour un assouplissement des contrats de travail.

 Le rapport de force n’est décidément pas en votre faveur ...

Ce qui va se passer dans les prochaines semaines va être important. Le 13 octobre, ce sera la première mobilisation de rue depuis les élections. Il faut se rappeler qu’au début du mouvement contre le CPE, nous n’étions que quelques milliers. Nous entrons dans un nouveau cycle. Les débats portent de plus en plus sur le contenu de ce qui est fait ou pas par le gouvernement. Les esprits commencent à évoluer. Fin octobre, les salariés vont pouvoir mesurer la réalité du « travailler plus pour gagner plus » à l’aune de leur premier bulletin de paie depuis la réforme des heures supplémentaires.

 Vous semblez pessimiste sur l’issue des conférences sociales et des négociations en cours. Pourquoi continuer d’y participer ?

Au stade actuel, pratiquer la politique de la chaise vide reviendrait à faire un cadeau au gouvernement comme au patronat. Le gouvernement ne consulte pas par plaisir. Il s’efforce de donner l’impression qu’il conduit ses réformes dans la concertation. Mais à la cadence où il prétend les conduire, sur des chantiers aussi importants que variés, on ne peut pas dire qu’il y ait une réelle volonté de dialogue. Nicolas Sarkozy veut nous asphyxier par une multitude de réformes. Du coup, les salariés n’ont pas le temps d’appréhender leur impact. Nous sommes là pour faire respecter une cadence compatible avec les exigences de démocratie et de transparence. Quant au patronat, il est certain qu’il préfèrerait ne pas avoir la CGT et ses propositions à la table des négociations, nous ne lui donnerons pas ce plaisir. Nous ne voulons pas que notre absence lui permette de modifier plus facilement le droit du travail comme il l’entend. Les syndicats ont sur certains points des approches convergentes dans la négociation, par exemple pour instaurer des droits transférables d’une entreprise à l’autre, qui soient attachés au salarié et non plus au poste occupé. C’est une vraie révolution dans le droit du travail. Il nous faut être plus fermes ensemble.

 Etes-vous prêt au compromis ?

Le compromis n’est pas un tabou. Mais ce constat ne doit pas amener à accepter n’importe quoi. Pour l’instant, nous n’avons aucun signe que les entreprises sont prêtes à avancer sur la transférabilité des droits des salariés.

 Compte tenu de l’affaire qui éclabousse l’UIMM, pensez-vous que Denis Gautier Sauvagnac puisse continuer à négocier au nom du Medef ?

Je n’émettrai aucun avis car je n’autoriserais jamais le Medef à se prononcer sur le profil des négociateurs de la CGT. S’il s’agit des cotisations patronales, ça regarde le Medef. Si on veut poser aussi la question du financement syndical, je vous rappelle qu’avec la CFDT, nous avons travaillé à des propositions de réforme de la démocratie sociale. Mais le gouvernement ne doit pas mettre la charrue avant les boeufs : il faut revoir les critères de représentativité syndicale puis les questions de financement qui en découleront. Nous ne redoutons pas ce débat, nous l’attendons.

Propos recueillis par Leila De Comarmond et Lucie Robequain.
Interview reproduite avec l’aimable autorisation du journal Les Echos. Tous droits de reproduction et de diffusion réservés au journal.

Article publié le 6 octobre 2007.


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