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Ras-le-bol de… l’évasion fiscale. Ou comment une multinationale comme SANOFI échappe à l’impôt.

Évasion et fraude du fisc coûtent entre 60 et 80 milliards d’euros à l’État. Premiers responsables, les grands groupes, pourtant à la tête de la croisade contre la « pression fiscale ».

 La France écrasée par l’impôt ?

Les premiers à reprendre l’antienne, les représentants du grand patronat, ne manquent pas de culot. Car ils sont aussi les premiers à contribuer aux phénomènes de l’évasion et de la fraude fiscale, dont le coût pour les finances publiques est estimé entre 60 et 80 milliards d’euros, soit l’équivalent de 16,7 % à 22,3 % des recettes fiscales brutes du pays.

Champions de l’optimisation fiscale – car, à la différence des PME, ils ont les moyens de faire appel aux cabinets spécialisés dans cet exercice –, à l’image de Sanofi, les grands groupes sont passés maîtres des diverses techniques de soustraction à l’impôt, comme les prix de transfert, qui permettent aux multinationales de localiser leurs profits dans les pays à faible fiscalité.

C’est ainsi qu’ils parviennent à ramener leur taux effectif d’imposition sur les sociétés (IS) à 8 % en moyenne, alors que le taux théorique est de 33,3 %. Les PME, elles, qui sont les plus grandes pourvoyeuses d’emplois, écopant d’un taux d’IS de 39 %… Évasion et fraude fiscale se soldent par un manque à gagner pour le fisc estimé entre 23 et 32 milliards d’euros pour le seul impôt sur les sociétés.

Année après année, les gouvernements successifs contribuent au siphonnage des finances publiques en ajoutant de nouvelles «  niches  » fiscales ou en augmentant leur portée.

Dernier en date, le crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), mis en place par le gouvernement Ayrault, qui coûtera à l’État 20 milliards d’euros., un Cice qui plus est octroyé aux entreprises sans condition et avec instruction faite à l’administration fiscale de ne pas contrôler la destination de ce CICE.

Et il apparaît de plus en plus que, contrairement à l’objectif affiché, il va largement profiter à des groupes qui ne sont pas exposés à la concurrence internationale.

Le crédit d’impôt recherche (CIR) fait quant à lui l’ objet d’un véritable effet d’aubaine, et qui, contrairement là aussi à l’intention, n’entraîne pas un accroissement significatif de l’effort de recherche dans le secteur privé.

Pire : un groupe comme Sanofi, qui encaisse plus de 120 millions d’euros au titre du CIR chaque année, sabre sans hésiter dans son potentiel de recherche, avec son dernier plan de restructuration qui touche les sites de Toulouse et Montpellier. Une remise à plat de tous ces avantages fiscaux, à l’aune de leur efficacité économique réelle et pour la création d’emplois, s’impose.


Comment Sanofi se soustrait à l’impôt

Article paru dans le quotidien L’Humanité du 31 octobre 2013 :

Alors que certains crient au ras-le-bol fiscal, les groupes du CAC 40 manient les leviers nationaux et européens d’optimisation fiscale. Des millions d’euros échappent ainsi au fisc en France. Exemple illustré avec le géant pharmaceutique.

Côté lumière, sur les plateaux télé, le Medef et son président, Pierre Gattaz, ne manquent pas une occasion de hurler leur «  ras-le-bol fiscal  ». En coulisses, les patrons des groupes du CAC 40 rigolent.

Pour eux, la fiscalité n’est pas un problème puisque s’ils engrangent de solides bénéfices et en font partager l’essentiel à leurs actionnaires, ils réussissent à en soustraire une part toujours plus grande à l’impôt.

Miracle de «  l’optimisation fiscale  », exercice à multiples facettes dans lequel le groupe pharmaceutique Sanofi est passé maître, comme en témoigne un document confidentiel élaboré par le cabinet d’expertise Syndex et présenté au comité d’entreprise ce mois-ci. . Ce dossier fait le point sur «  les modalités de construction des résultats en France et de la charge d’impôt  ». On y apprend comment Sanofi parvient à s’exonérer de l’impôt par millions et en toute légalité. Dans le même temps, le groupe engage un énième plan d’économies avec suppressions de postes à la clé .

  Cure d’amaigrissement fiscale.

En 2012, la charge totale d’impôts (impôt sur les sociétés, taxes sur les salaires, cotisation sur la valeur ajoutée, etc.) du groupe Sanofi s’élevait à 600,6 millions en France. La cure d’amaigrissement fiscal commence dès l’impôt sur les sociétés (IS), qui représente 200,6 millions d’euros.

Alors qu’une simple PME est taxée à 39 %, pour le géant pharmaceutique, «  le taux d’imposition apparent après crédits d’impôts est de 8 %  » !, indique le document. Sur une assiette d’imposition du groupe qui s’élève à 1,974 milliard d’euros en France en 2012, Sanofi profite d’abord d’un taux d’imposition réduit de 15 % qui «  constitue une “niche fiscale” spécifique à la France  », note le rapport.

S’ajoutent à cela des réductions d’impôts en tout genre, la plus importante étant le crédit impôt recherche, pour 129,9 millions d’euros. Et les réductions d’impôts liées au mécénat (10,4 millions) et d’autres crédits d’impôts (famille, apprentissage, etc.) pour 4,3 millions. Total : 144,6 millions de ristourne fiscale, soit presque les trois quarts du montant de l’IS acquitté.

Sanofi fait aussi fondre sa charge fiscale au-delà des frontières. Le groupe pratique ainsi «  le prix de transfert  » pour ses échanges entre filiales. «  Le prix de transfert est le prix qu’une entreprise qui appartient à un groupe fixe à une filiale implantée à l’étranger pour la vente de biens et de services. Il peut être différent du prix du marché   », explique Nasser Mansouri-Guilani, responsable des études économiques à la CGT.

«  L’important avec le prix de transfert, c’est que les mesures fiscales et sociales n’étant pas les mêmes dans les deux pays, le groupe peut choisir le plus profitable pour lui. Par exemple, le taux d’imposition des sociétés est de 34 % en France. S’il est de 10 % ailleurs, le groupe dans son ensemble a intérêt à ce que les bénéfices soient affichés là où le taux est le plus faible  », poursuit le spécialiste.

Dans le cas de Sanofi, la politique de prix de transfert concerne «  la localisation des résultats (…) au travers de la centralisation de la propriété intellectuelle des produits du groupe au sein des entités qui financent la recherche  ». En clair, Sanofi vend les licences et les brevets de ses médicaments, fleuron de son industrie, entre ses filiales. Une hypothèse serait qu’elle impute la marge là où elle serait le moins taxée. «  Plus l’entreprise est grande et plus elle a une implantation à l’étranger, plus elle joue sur l’optimisation fiscale   », poursuit Nasser Mansouri-Guilani. «  Ce qu’il faut retenir, c’est que les entreprises s’installent dans plusieurs pays, là où c’est plus profitable en termes d’impôts et d’aides.  »

 Ce n’est pas tout. Le 21 février 2012, le groupe a créé une nouvelle structure à Bruxelles : Sanofi European Treasury Center (SETC). Une banque interne qui prête à ses filiales pour le financement de leurs investissements. Elle fait aussi figure de plate-forme de paiement des fournisseurs tiers. La Belgique n’est pas un choix anodin car cela permet de «  bénéficier du dispositif fiscal dit des intérêts notionnels, qui est une “niche fiscale” en Belgique  », écrit Syndex. L’un des principes est que «  la charge des intérêts est déductible fiscalement et permet donc une économie d’impôts  ».

D’après les estimations du cabinet d’expertise, «  en localisant le SETC en Belgique, (…) le groupe Sanofi a économisé 22,8 millions d’euros d’impôts par rapport à une localisation en France  ».


Dans le même temps SANOFI sacrifie 2 000 emplois. Le plan actuel qui prendra fin en 2015 réduit la recherche 
et développement à Toulouse et Montpellier. Il y aura 349 suppressions de postes, 350 transferts géographiques et environ 350 salariés toulousains devraient rejoindre des plates-formes dont la direction 
dit vouloir s’en séparer dans les cinq ans. Pour les vaccins, 700 postes seront supprimés en majorité à Lyon. Pour les services partagés, 200 postes seront supprimés ou transférés hors de leur région. 
La filiale R & D concentre 40 % des exonérations fiscales du groupe.


Thierry Bodin. Coordonnateur des syndicats CGT de Sanofi : Les Français paient pour Sanofi.

« Sanofi a profité de 130 millions d’euros de crédit impôt recherche en 2012 et profite du crédit impôt compétitivité estimé entre 40 et 60 millions d’euros par an. Ils disent que c’est tout à fait légal, 
ce qui est malheureux, mais c’est une perte réelle 
pour l’État français et les autres États européens.


Et ce qui est sûr, c’est que le taux d’impôt de Sanofi 
est plus faible que celui de la PME du coin. Les Français paient donc pour que Sanofi sacrifie sa recherche et supprime des emplois !

Le plan actuel de plus 
de 2 milliards d’économies se terminera en 2015 
et il fait suite à un premier plan d’économies 
de 2 milliards qui a pris fin en 2011.

On a déjà 
perdu 4 000 postes entre mi-2008 et mi-2013 ! 
En termes de suppressions et de transferts de postes, 
les organisations syndicales ont estimé qu’il y a plus 
de 2 000 salariés concernés dans les différentes 
entités du groupe. Cela pose aussi le problème 
des sous-traitants dont il est difficile d’établir le chiffre 
des suppressions induites.

Par exemple, les sous-
traitants vont souffrir des désengagements des sites 
de Toulouse, Romainville et Neuville-sur-Saône 
quand on sait qu’un emploi industriel, c’est de trois à quatre emplois induits.
Ensuite, jamais la direction n’évoque l’impact sur l’économie du pays et sur 
la Sécurité sociale, alors qu’entre 8 et 10 % de son chiffre d’affaires dépend de la Sécu.

Nous avons demandé à la direction de nous garantir par écrit 
qu’il n’y ait pas de nouveau plan après celui-ci, 
pour une durée d’au minimum cinq ans en recherche. Mais elle refuse ! Elle prend juste l’engagement 
à fin 2016. Et la crainte est que, dès 2016, 
il y ait un prochain plan de restructuration. 
Les salariés restent donc mobilisés. Ils ont la volonté 
de ne pas se laisser faire car ils refusent de voir disparaître leur activité.  »

Article publié le 3 novembre 2013.


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