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120 économistes éreintent le traité budgétaire européen.

APPEL DE 120 ECONOMISTES paru dans le quotidien le Monde le 2 octobre 2012.

"En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant l’équilibre des comptes publics, ce traité est porteur d’une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels", estiment ces économistes d’un divers horizons.

Parmi les signataires, on trouve Dominique Taddéi, Frédéric Lordon, Jacques Généreux, Paul Jorion, André Orléan, Jean Gadrey, Jean-Marie Harribey, Bernard Friot, Dominique Plihon, Guillaume Etievant et Jacques Rigaudiat.

Cette tribune publiée dans le Monde offre un décryptage sans appel du nouveau traité européen dont l’Assemblée nationale se saisit ce mardi. Elle dresse un réquisitoire sévère :

"Contrairement à ce que prétendent les économistes libéraux, cette crise n’est pas due à la dette publique. Ainsi, l’Espagne et l’Irlande subissent aujourd’hui les attaques des marchés financiers alors que ces pays ont toujours respecté les critères de Maastricht".
"La montée des déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, de l’aide publique apportée aux banques commerciales et du recours aux marchés financiers pour détenir cette detteàdes taux d’intérêt élevés".

"La crise s’explique également par l’absence totale de régulation du crédit et des flux de capitaux aux dépens de l’emploi, des services publics et des activités productives."
Le texte relève que cette crise est aggravée par la Banque centrale européenne, qui préfère soutenir les banques que les Etats et imposer à ces derniers l’austérité,
Elle met en cause François Hollande qui, "après s’être engagé pendant la campagne à renégocier le traité européen, n’y a en fait apporté aucun changement et choisit aujourd’hui de poursuivre la politique d’austérité entamée par ses prédécesseurs. C’est une erreur tragique". Pour ces économistes, le pacte de croissance"aux montants réels dérisoires" ne justifie pas l’acceptation de la Règle d’or

 Briser l’étau des marchés :

"Le constat est sans appel : l’austérité est à la fois injuste, inefficace et antidémocratique. Nous pouvons faire autrement. L’avenir de l’Europe mérite un débat démocratique sur les solutions de sortie de crise", note le texte qui conclut : "Il faut briser l’étau des marchés financiers et non leur donner des gages."


Non au traité budgétaire européen ! LE MONDE | 02.10.2012

Par Collectif de plus de 120 économistes

 Contrairement à ce que prétendent les économistes libéraux, cette crise n’est pas due à la dette publique. Ainsi, l’Espagne et l’Irlande subissent aujourd’hui les attaques des marchés financiers alors que ces pays ont toujours respecté les critères de Maastricht.

 La montée des déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, de l’aide publique apportée aux banques commerciales et du recours aux marchés financiers pour détenir cette dette à des taux d’intérêt élevés.

 La crise s’explique également par l’absence totale de régulation du crédit et des flux de capitaux aux dépens de l’emploi, des services publics et des activités productives. Elle est entretenue par la banque centrale européenne (BCE) qui appuie sans conditions les banques privées, et exige à présent une " stricte conditionnalité " austéritaire des ??tats lorsqu’il s’agit de jouer le rôle de "prêteur en dernier ressort ".

Elle leur impose des politiques d’austérité et s’avère incapable de combattre la spéculation sur les dettes souveraines, cela d’autant que sa seule mission reconnue par les traités est celle de maintenir la stabilité des prix.

En outre, cette crise est aggravée par le dumping fiscal intra-européen et l’interdiction qui est faite à la BCE de prêter directement aux ??tats pour des dépenses d’avenir, au contraire des autres banques centrales dans le monde comme la Federal reserve américaine. Enfin, la crise est renforcée par l’extrême faiblesse du budget européen et son plafonnement au taux ridiculement bas de 1,24 % du PIB, avec son orientation qui rend impossible toute expansion coordonnée et ambitieuse de l’activité en Europe.

 François Hollande, après s’être engagé pendant la campagne à renégocier le traité européen, n’y a en fait apporté aucun changement, et, comme vient d’ailleurs de le reconnaître Elisabeth Guigou, choisit aujourd’hui de poursuivre la politique d’austérité entamée par ses prédécesseurs. C’est une erreur tragique. L’ajout d’un pseudo-pacte de croissance, aux montants réels dérisoires, s’accompagne de l’acceptation de la " règle d’or " budgétaire défendue par A. Merkel et N. Sarkozy. Elle stipule que le déficit dit structurel (hors variations de cycles économiques) ne doit pas dépasser 0,5 % du PIB, ce qui condamnera toute logique de dépenses publiques d’avenir et conduira à mettre en place un programme drastique de réduction du périmètre de l’ensemble des administrations publiques.

 En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant l’équilibre des comptes publics, ce traité est porteur d’une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels. Les pays qui souffrent de l’effondrement de leur demande intérieure seront amenés à réduire plus fortement encore leur demande publique. Alors que plusieurs ??tats membres sont déjà en récession, cela menacera encore davantage l’activité et l’emploi, donc les recettes publiques, ce qui creusera in fine les déficits.

Ainsi, l’OFCE prévoit déjà 300 000 chômeurs de plus en France fin 2013 du seul fait de l’austérité.

 ?? moyen et long terme, cela hypothèquera la transition sociale et écologique qui nécessite des investissements considérables. Au nom d’une prétendue " solidarité européenne ", le traité organise de fait la garantie par les ??tats des grands patrimoines financiers privés. Il grave dans le marbre des mesures d’austérité automatiques, imposées aux représentants des peuples, en contraignant leurs décisions budgétaires, dictées par une instance non élue.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES), institution anti-démocratique par excellence, pourrait proposer des prêts à des taux un peu moins élevés (5 % en moyenne). Mais ces prêts seraient conditionnés à l’application d’une austérité drastique imposée aux peuples ! La garantie publique des investisseurs privés ne fait qu’encourager la spéculation, alors qu’il faudrait lui briser les reins en sortant de leur mains la dette publique.

L’ensemble de l’édifice repose ainsi sur des conditionnalités anti-sociales imposées à toute aide ou intervention, et le refus d’intervention directe de la BCE pour les dépenses nouvelles. Elle va se contenter d’un rachat restrictif des titres de dette sur le marché secondaire, comme l’a annoncé récemment Mario Draghi.

Des centaines d’économistes à travers le monde, rejoints en ce sens par certains prix Nobel d’économie comme Joseph Stiglitz et Paul Krugman, ont largement critiqué le non-sens économique de la politique actuellement à l’œuvre en Europe. Le constat est sans appel : l’austérité est à la fois injuste, inefficace et anti-démocratique.

Nous pouvons faire autrement.

L’avenir de l’Europe mérite un débat démocratique sur les solutions de sortie de crise. Une expansion coordonnée de l’activité, de l’emploi et des services publics serait aujourd’hui possible en Europe, notamment par le financement direct sélectif et à bas taux par la BCE des organismes publics de crédit.

Pour que l’UE mette en œuvre cette politique, il est urgent de réformer et de démocratiser ses institutions. Un Fonds européen de développement social et écologique, à gestion démocratique, pourrait accentuer cette dynamique. De plus, l’UE pourrait mettre en place un contrôle de la finance, notamment en interdisant les échanges d’obligations souveraines sur les marchés de gré à gré, en limitant strictement la titrisation et les produits dérivés et en taxant les mouvements de capitaux spéculatifs. Les défis sociaux et écologiques d’aujourd’hui sont immenses.

Il est urgent de changer de cap pour sortir de la crise par le haut. Il est possible de défaire le sombre bilan des politiques libérales d’une France qui comprend 5 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres. Pour s’en donner les moyens, il faut briser l’étau des marchés financiers et non leur donner des gages. C’est pourquoi nous refusons la ratification du Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

Dominique Taddéi, ancien président de la Caisse des dépots et consignations ;

Frédéric Lordon, CNRS ;

Jacques Généreux, professeur, IEP de Paris ;

Paul Jorion, université de Bruxelles ;

Frédéric Boccara, université Paris XIII ;

André Orléan, CNRS-EHESS ;

François Morin, université Toulouse 1 ;

Jean Gadrey, Université Lille I ;

Jean-Marie Harribey, Université Bordeaux 4 ;

Bernard Friot, université Paris-X, institut européen du salariat ;

Bernard Guerrien, SAMM, Centre d’économie de la Sorbonne ;

Dominique Plihon, professeur, université Paris-XIII ;

Guillaume Etievant, expert auprès des CE ;

Jacques Rigaudiat, ancien conseiller social des Premiers ministres Rocard et Jospin ;

Stéphanie Treillet, maître de conférences des universités.

L’intégralité des signataires est en ligne sur le site www.appeldeseconomistes.fr

Collectif de plus de 120 économistes

Article publié le 8 octobre 2012.


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