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C’est Ici qu’on Crée des Emplois ? par Michel Husson ( économiste )

Je donne 20 milliards aux patrons et ils créent entre 50 et 100 000 emplois. Cela fait
cher de l’emploi créé : entre 16666 et 27777 euros par mois. Tel est le bilan du CICE :
un détournement de fonds.

Le CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi) consiste à réduire les impôts des
entreprises d’une somme égale à 6 % de la masse salariale payée jusqu’à 2,5 Smic.
Grâce à cette baisse de « charges », les entreprises vont pouvoir enfin investir, gagner en compétitivité et finalement créer des emplois.

Ce mécanisme est tellement validé par des études très scientifiques dénonçant les ravages d’un coût du travail trop élevé que les technocrates chargés de mettre le dispositif en place ne l’ont assorti d’aucunes conditions ni d’aucun contrôle, et surtout pas des représentants des salariés.

On avait quand même prévu une évaluation : la patate chaude a été passée à France
stratégie qui avait jusqu’ici réussi à botter en touche.

Mais cette année, il a bien fallu s’y coller. Le commissaire, Jean Pisani-Ferry, avait sans doute flairé l’embrouille, parce qu’il suffisait de regarder les statistiques pour voir qu’il y avait de la perte en ligne.

Pour prendre un peu de distance, le mieux était de commanditer plusieurs études en espérant que l’une d’entre elles au moins donnerait des résultats présentables.

Le million, le million !

La première étude a été confiée à une équipe dirigée par Yannick L’Horty, un
spécialiste, qui annonçait, dans le Parisien du 21 janvier 2014, que le nombre
d’emplois qui pourraient être créés grâce à une baisse de « charges » de 30 milliards
d’euros se situait « quelque part entre 750 000 et 1,5 million ». Avec les 20 milliards
du CICE, on pouvait donc espérer quelque chose entre 500 000 et 1 million. Le
million de Gattaz semblait donc à portée de main.

Patatras ! L’étude de L’Horty et alii n’a pu, malgré les meilleures dispositions du
monde, n’exhiber qu’entre 45 000 et 115 000 emplois créés ou « sauvegardés ». On
aurait pu se consoler avec de l’investissement ou de la compétitivité mais, là non
plus, pas grand-chose à se mettre sous la dent.

Pas d’effet identifiable sur les exportations qui auraient dû être dopées, mais l’OFCE nous rassure en nous disant que les entreprises attendent, et qu’on verra ce qu’on verra, plus tard.

Encéphalogramme plat aussi du côté de l’investissement ou des dépenses de
recherche et développement.

Quant à l’autre rapport émanant du Liepp, un laboratoire de Sciences-Po, il conclut sauvagement à zéro emploi et le commissaire a dû calculer au doigt mouillé une moyenne lourde d’incertitudes.

Mais qu’est ce qu’ils ont fait du fric ?

Comme les pitres osent tout (c’est à ça qu’on les reconnaît), certains ont suggéré que
les patrons auraient fait un mauvais usage du CICE en augmentant les salaires, mais
cette piste aussi a fait long feu.

Reste ce constat : les entreprises ont re-cons-ti-tué leurs marges et en ont consacré une bonne partie aux dividendes, comme le montre par exemple le cabinet Henderson Global Investors.

Pourtant les études n’en disent rien, alors même que c’est théoriquement interdit par la loi. L’enquête continue, révèle le commissaire.

Enfin, les travaux d’évaluation (mais on ne leur avait pas demandé) n’examinent pas
le financement du CICE.

Or, celui-ci a été en partie compensé par une hausse de la TVA qui a forcément pesé sur la consommation et donc sur l’activité.

Un voile pudique sera jeté sur cette question, et cette myopie volontaire ajoute au grotesque de toute l’opération.

 Télécharger l’article :

Article de Michel Husson.

Article publié le 12 octobre 2016.


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