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Champagne place beauvau !

Articles parus dans le quotidien L’Humanité du 8/12/2006

Le ministre de l’Intérieur avait convié, hier, tous les personnels des préfectures du - service des étrangers pour les féliciter du - travail accompli ces derniers mois. Il les avait en effet surchargés de travail en improvisant, au mois de juin, pressé par l’opinion, une circulaire qui devait permettre la régularisation des familles d’enfants scolarisés, sous certaines conditions. Rien que pour ce travail inutile, il leur devait bien le champagne. Pour parfaire son image, le - ministre se rendra, lundi, dans une préfecture d’ ??le-de-France où il livrera ses - réflexions sur sa politique d’immigration.

L’histoire d’un drame annoncé

La famille Raba est arrivée hier à Pristina, au Kosovo, et elle a été accompagnée, par la force d’interposition, dans son village d’origine.

Les parents ont vingt-six et vingt-sept ans, les enfants sept, quatre et trois ans. Après dix-sept jours de rétention (entendez de prison) au centre de Lyon-Saint-Exupéry, la famille Raba a été embarquée, samedi au petit matin, pour Roissy, où Shpresa, la mère, s’est aperçue qu’on voulait les expulser vers le Kosovo dans un avion d’une compagnie balkanique. Elle s’est violemment rebellée, sous les yeux de ses enfants et de son mari, impuissants. Elle a dû être hospitalisée, à Paris et à Lyon, pour les blessures consécutives au refus d’embarquement. Elle ne se déplaçait plus qu’avec des béquilles.

La famille a été rapatriée sur Lyon, toujours au centre de rétention. Les enfants, comme les parents, ont suivi deux audiences de tribunal, le lendemain, dimanche, puis mardi matin. ?? l’issue de celle-ci, tout le monde a été embarqué pour Toulouse. Nouvelle nuit dans un centre de rétention. Départ le lendemain matin, pour Pristina, encadrés par dix policiers français, dans un avion du ministère de l’Intérieur. Arrivée à Tirana mercredi soir, dans le brouillard. Des chaises dans l’aéroport, rien à manger... Hier matin, nouveau départ pour Pristina.

Réceptionnés par la MINUK, la force d’interposition internationale au Kosovo, Shpresa, Jousef, Qirim, Dashnor et Dashrujé devaient être confiés à l’Organisation internationale des migrations, « le bras exécutif de la politique européenne en la matière ». Laquelle avait pour mission de reconduire la famille Raba dans son village d’origine : Orahovac. Il manque simplement, pour l’instant, le dénouement programmé : la jeune femme est en danger de mort parce qu’elle a été violée par un membre de la police kosovare qui a toujours pignon sur rue et qui s’en est vanté. Crime d’honneur au Kosovo. Le jeune homme risque la mort parce qu’il a refusé d’obéir à l’UCK. Tous les autres membres de la famille qui étaient en danger ont obtenu un titre de réfugié dans trois pays européens... En France, le frère de Jousef, à 14 heures hier, ignorait ce retour forcé au village. Il était déjà désespéré : les policiers avaient refusé, hier soir à Tirana, à sa belle-soeur de - récupérer le chargeur de son portable qui était resté dans l’avion.

Nicolas Sarkozy a gagné la guerre contre trois enfants traumatisés à vie et un jeune couple qui n’avait que l’espoir de - survivre. Les informations sur le parcours de la famille depuis Tirana ne proviennent pas de la direction générale de la police nationale. Celle-ci était en réunion, hier, avec son ministre qui célébrait le bon travail de ses fonctionnaires sur l’application de la - circulaire. Y avait-il du champagne pour justifier cet acharnement contre des innocents ?

Article publié le 8 décembre 2006.


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