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Cice, pacte de responsabilité : on ne change pas une politique qui perd. Article de Guillaume Duval ( Alternatives économiques )

La politique budgétaire mise en place depuis 2013 a accru les déficits sans empêcher l’économie française d’être totalement à l’arrêt. Elle va pourtant être reconduite dans les années à venir.

Selon Michel Sapin, le ministre des Finances, le déficit public devrait donc être finalement de 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, contre 4,3 % l’an dernier. Autrement dit, la politique budgétaire a été en pratique légèrement expansive en 2014. Et pourtant, malgré cela et malgré les taux d’intérêt très bas liés à l’action de la Banque centrale européenne, l’économie française est totalement à l’arrêt : la production est en baisse, la consommation stagne, l’investissement recule. Comment est-ce possible ? Une telle configuration aurait normalement dû soutenir l’activité… Cette contre-performance est principalement à mettre au compte du crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice).

 La faute au Cice :

Le Cice a fait en effet plonger les recettes de l’Etat : les rentrées de l’impôt sur les sociétés ont reculé de presque 10 milliards d’euros sur les sept premiers mois de l’année (voir le tableau en fin d’article).
Cette forte baisse de prélèvements sur les entreprises n’a cependant eu aucun effet positif sur l’activité, car elle a été contrebalancée par une hausse importante des prélèvements sur les ménages – la TVA et l’impôt sur le revenu se sont accrus de 6,5 milliards d’euros sur sept mois – qui a achevé de tuer la reprise. Et dans un tel contexte, les entreprises n’ont pas de raison d’investir et d’embaucher, même si leurs marges se redressent.

Du coup, au final, les recettes globales de l’Etat ont chuté. Le creusement du déficit n’est cependant pas lié à un quelconque dérapage des dépenses : en effet, celles-ci ont au contraire baissé de 1,1 milliard d’euros, une première depuis qu’on tient des statistiques à ce sujet. Mais cela n’a pas empêché le solde public de se dégrader sensiblement : fin juillet, le budget de l’Etat affichait ainsi un déficit de 84 milliards d’euros, contre 81 l’an dernier.

 Avec le pacte, ça risque d’être encore pire :

Malgré ce constat d’échec, c’est pourtant la même politique, encore accentuée, que le gouvernement entend reconduire au cours des prochaines années avec le pacte de responsabilité. Celui-ci va en effet doubler la mise en matière d’allègements des prélèvements sur les entreprises par rapport au Cice.

Certes, ce sont des baisses de dépenses publiques, à hauteur de 50 milliards d’euros d’ici à 2017, qui remplaceront désormais les hausses de prélèvements sur les ménages comme contreparties principales des baisses de « charges » sur les entreprises. Mais les effets récessifs pour ces ménages seront équivalents, si ce n’est pas plus importants, notamment s’ils concernent la protection sociale : qu’il s’agisse en effet de hausses de prélèvements ou de baisses de dépenses publiques, ce sont, dans un cas comme dans l’autre, toujours des revenus qui n’arrivent plus dans la poche des Français.

 Une épreuve de force inutile

Rendu un peu plus prudent par l’expérience, le gouvernement ne se hasarde cependant plus à prétendre qu’une telle politique permettrait aussi un redressement rapide de l’activité et une réduction sensible du déficit.

Il reporte donc à 2017 la perspective d’un retour de ce déficit sous la barre des 3 % du PIB. Un tel report est cependant manifestement contraire aux règles de fonctionnement de la zone euro auxquelles François Hollande a souscrit. Il devrait donc entraîner une épreuve de force majeure avec la Commission européenne.

Mais le paradoxe, c’est que le gouvernement français va engager cette épreuve de force difficile, non pas pour faire accepter par nos partenaires une politique de relance de l’activité d’inspiration keynésienne, mais une politique de conception déflationniste qui, de ce fait, n’a quasiment aucune chance de concourir réellement à redresser l’activité en France et en Europe.

Article publié le 15 novembre 2014.


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