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Comptabilité publique et impôts la fusion dangereuse

Comptabilité publique et impôts la fusion dangereuse
Par Jean-Marc Durand, économiste.

 Jeudi 4 octobre, ??ric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, a annoncé sa décision de réunir dans un ensemble unique les administrations de la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP). Une seule administration unifiée sera ainsi créée. C’est sur fond d’une situation sociale extrêmement tendue au sein de ces deux administrations que cette annonce intervient.

 La volonté du gouvernement de s’en prendre aux institutions financières publiques marque sa détermination à en finir avec une conception d’ensemble de l’organisation et du rôle des services publics dans ce pays. Il s’agit pour lui d’adapter durablement l’appareil d’ ??tat aux besoins d’un capitalisme qui ne souffre plus aucune entrave à sa logique de marchandisation généralisée. Dans le cadre d’une course folle à la financiarisation, les institutions financières de l’ ??tat sont donc sommées de se conformer au seul critère qui vaille : la rentabilité.

Ce que prépare cette fusion est très grave. Rapidement brossé, voici un premier tableau des conséquences auxquelles il faut s’attendre :

 Serait entérinée la fin de la séparation entre l’ordonnateur et le comptable, principe qui est un des facteurs essentiels permettant d’assurer une égalité de traitement entre tous les citoyens et de préserver les agents de toutes tentations.

 Serait gravée dans le marbre la séparation en deux secteurs distincts : les services de la fiscalité des entreprises et des particuliers. La création d’une structure autonome pour le contrôle fiscal des entreprises est fortement évoquée. Ce schéma d’organisation sous-tend deux risques. Le premier est de voir filer certaines missions dans des agences de service public, l’autre est une perte considérable de liaisons et d’informations que les seules applications informatiques ne permettent pas de compenser, l’informatique ne restituant que ce qu’on y a intégré.

 Le niveau et la pyramide des emplois pourraient en ressortir totalement bouleversés. Des coupes importantes interviendraient très rapidement dans l’encadrement, avant la fin du printemps 2008, date de l’installation de la nouvelle direction fusionnée. D’autres, certainement massives, suivraient parmi les effectifs des services avec une perte considérable de savoir-faire. L’extrême polyvalence, allant de l’assiette en passant par le recouvrement et le contrôle de l’impôt jusqu’au contrôle de gestion, est présentée sous l’angle d’un regain d’efficacité qui reste largement à démontrer. Il est à craindre que les formations de mise à niveau dispensées soient bien en deçà du minimum nécessaire.

 D’ores et déjà, une série de missions jugées comme ne faisant pas partie du coeur de métier, comme les domaines, le cadastre, voire la fiscalité immobilière, risque d’être rapidement réduite à néant.

 De même, de fortes incertitudes planent sur le devenir de la mission de contrôle de gestion des collectivités locales et des établissements publics, assurée jusqu’à ce jour par les services extérieurs de la DGCP. Contrairement aux propos rassurants en direction des élus locaux, le soutien, la sécurisation et les compétences que ces services apportent en la matière pourraient connaître une rapide régression.

 Un tel processus ouvrirait de fait la possibilité d’une remise en cause générale des règles de gestion des personnels. Non seulement les usages en vigueur à la DGI et à la DGCP ne sont pas les mêmes, mais le projet d’organisation de la nouvelle direction par grandes filières laisse ouvertement supposer que les règles de gestion des personnels ne deviennent très étroitement attachées à la filière. Plusieurs niveaux de garanties pourraient ainsi coexister au sein de la même direction.

Chacun l’aura compris, ce projet de fusion est tout sauf un ajustement à la marge. Il est la pierre angulaire du plan d’ensemble de réforme de l’ ??tat qu’a annoncé le président Sarkozy.

Le ministre et le gouvernement en ont tellement conscience que, pour faire passer la pilule, une prime de fusion serait versée aux personnels, début 2008. Pas sûr que cela puisse suffire à calmer les esprits et à dissiper les craintes de voir jeter par-dessus bord un ensemble de missions publiques auxquels fonctionnaires et citoyens demeurent profondément attachés. Les agents de la fonction publique auront l’occasion de le manifester le 18 octobre, journée d’action syndicale dans les services publics, marquée par de nombreux appels à la grève. Le 27 octobre, le rassemblement que propose le PCF offrira le moyen de faire le lien, dans l’action, entre citoyens, usagers et personnels.

Paru dans le quotidien L’Humanité du 9 octobre 2007

Article publié le 11 octobre 2007.


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