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La Réate, accélératrice d’inégalités entre territoires selon le rapport du Conseil Economique et Social Environnemental de décembre 2013.

Faute de moyens, l’État ne peut plus accomplir certaines missions de service public relevant de sa compétence, ce qui brouille les cartes vis-à-vis des collectivités. C’est ce que relève le Conseil économique, social et environnemental dans un avis publié début décembre.

La Réforme des administrations territoriales de l’État (Réate), accélératrice d’inégalités territoriales. C’est le constat que fait le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son dernier avis, précisément consacré à la réduction des inégalités territoriales et qui se penche sur les réorganisations opérées ces dernières années au niveau déconcentré.

La Réate, initiée sous Sarkozy et maintenu sous Hollande, sur fond de réduction forte des moyens, a pris le parti de donner la prééminence, comme le rappelle le CESE, au niveau régional, d’où de grandes directions régionales chargées de mettre en œuvre les politiques publiques de droit commun.

Selon le rapport la Réate a conduit à des “périmètres de ministères segmentés”, une “concurrence entre administrations” et finalement “un affaiblissement des services de l’État dans nombre de territoires”.

L’État, du fait de la diminution des moyens et des effectifs poursuivi sous la Réate, “s’est fortement désengagé de certaines missions qui continuent pourtant à lui incomber, notamment en matière de services publics”, dénonce le CESE.

Le rapport dresse un panorama des inégalités territoriales dans de nombreux domaines : inégalités en matière éducative, de santé, de développement économique

Il insiste également sur la perte de marges de manoeuvre financière des collectivités, insistant notamment sur les effets négatifs de la réforme de la taxe professionnelle :

 Extrait page 103 : ... les collectivités territoriales sont confrontées à une diminution constante de la fiscalité locale mais aussi à une réduction des dotations de l’état. dans le même temps, elles supportent la charge croissante des dépenses obligatoires issues des transferts de compétence.

La suppression de la taxe professionnelle remplacée par la contribution économique territoriale (CEt)112 en 2011 a ravivé l’inquiétude des élus locaux concernant leur autonomie fiscale. Sur les 30 Md€ que rapportait la taxe professionnelle (tP), seuls 65 % ont été compensés par d’autres recettes fiscales, le reste étant compensé par l’état envers lequel les collectivités sont de plus en plus dépendantes. Les élus ont également perdu en ce domaine une part de leur pouvoir fiscal puisque leur marge de manœuvre sur la CEt est plus faible que sur la TP, dont ils fixaient le taux librement.

.....tout cela obère les possibilités de choix des collectivités quant aux crédits qu’elles pourraient dégager pour satisfaire les besoins des populations en fonction d’autres critères, notamment en matière d’investissement.

 Pour accéder au rapport dans son intégralité :

Inégalités territoriales : rapport CESE de décembre 2013.

 Les conclusions du rapport insistent sur la nécessité préalable d’un véritable diagnostic de la situation en termes d’inégalités territoriales :

La nécessité d’un diagnostic territorial approfondi et multicritères est indispensable :

En effet, les territoires sont extrêmement divers : leurs atouts comme leurs faiblesses sont en conséquence très différents. dans certains territoires, les inégalités peuvent s’accroitre dans certains domaines mais pas dans tous ; certains peuvent par contre être « victimes » d’un véritable cumul des handicaps. Voila pourquoi réduire les inégalités territoriales entre eux nécessite de discerner au préalable quelles sont leurs spécificités.

Une question se pose au préalable, la question de la « maille », car on constate que certaines inégalités s’accroissent à certaines échelles et diminuent à d’autres. une fois la « maille » déterminée en accord avec l’ensemble des parties prenantes, ce diagnostic devrait être établi selon une méthodologie « cadre » reprenant les mêmes items selon la maille retenue. Cela exige des capacités d’ingénierie, tant de l’Etat que des acteurs locaux, qu’il convient de sauvegarder et de développer à tous les niveaux. Enfin, il est nécessaire que ce diagnostic soit partagé. Ceci exige que les principes et les méthodes de la « démocratie participative » soient mis en œuvre.

Accessibilité et mobilité

Ces questions ont été posées par tous les intervenants auditionnés. Le CESE considère qu’il s’agit de questions prioritaires à traiter dans toute analyse des atouts et faiblesses d’un territoire quelle que soit sa taille.

Ceci se comprend parfaitement lorsque l’on prend en compte les observations suivantes :

 Les moyens alloués aux politiques d’investissement et d’infrastructures sont les premières victimes des contraintes budgétaires, tant de l’Etat que des collectivités territoriales ;

 Mais, au-delà de ce constat, accessibilité et mobilité figurent avec le logement parmi les premières préoccupations de nos concitoyens et des entreprises (quelle que soit leur taille) : résidence-travail, accès au lieu de vacances, facteurs d’attractivité pour tout entrepreneur ;

 Le projet de SNIt, sur lequel le CESE a rendu un avis, est en cours de révision, comme notre assemblée l’avait souhaité. Ceci se justifie à la fois pour des raisons de moyens (les projets envisagés n’étant pas tous financièrement réalisables sur la durée prévue), mais aussi pour des multiples raisons qualitatives dont, à titre d’exemple, la prise en compte en particulier des réseaux secondaires ;

 L’accessibilité aux TIC encore insuffisante (notamment pour le haut débit et très haut débit) ;

 La territorialisation des activités économiques et la volonté de les rapprocher des structures de recherche et d’enseignement supérieur, le développement des tIC peuvent-ils être des facteurs positifs de développement des territoires sans accessibilité sociale, culturelle…. ?

Enfin, la réponse à ces interrogations demande à ce que l’on intègre (sans en faire un simple ajout) la dimension environnementale.

L’exigence de proximité des citoyens dans tous les domaines

Quelles peuvent et doivent être les réponses à apporter à cette exigence de tous les citoyens et de toutes les entreprises ? Peut-on répondre à cette attente de façon uniforme et d’en haut dans tous les domaines et pour tous les services nécessaires et/ou utiles à leur vie quotidienne, personnelle et familiale : services publics, culture, santé, sport, commerce, services financiers... ?

En effet, malgré les volontés politiques et les efforts consentis, une majorité de nos concitoyens est confrontée à un accroissement des distances à parcourir, voire des temps quotidiens de déplacement.

Des transferts mal appréhendés globalement

Ils sont la somme des apports d’une part, de la contribution de l’Etat (en réduction du fait de la contrainte budgétaire), d’autre part d’une péréquation forte mais illisible et enfin d’une politique de redistribution au niveau des ménages dont les effets territoriaux sont insuffisamment analysés et appréhendés.

Ainsi se pose la double question d’une amélioration et d’une simplification des mécanismes de péréquation, ainsi que d’une analyse approfondie des effets territoriaux des redistributions sociales qui se développeraient à travers les politiques de santé, de prévention et de services aux personnes.

Les modes de gouvernance

Quelle que soit l’issue du débat relatif à « l’acte III » de la décentralisation (dont le terme est à ce jour incertain), le CESE considère qu’il est essentiel dans le cadre institutionnel actuel de s’interroger sur le « qui fait quoi ? ».

Ainsi, il lui parait important de se prononcer, non pour affirmer une nouvelle fois que mutualisation et péréquation sont des « outils » indispensables de toute gouvernance mais comment (par qui, à quel niveau et selon quelle méthode), ils doivent être mis en œuvre pour « doper » au mieux les territoires et leur « mise en capacité ». Comment ces politiques dont le cadre doit être déterminé par « l’Etat stratège » peuvent-elles être articulées avec les modes de gouvernance territoriaux dans le respect du principe constitutionnel (art. 72) de libre administration des collectivités locales ? dans ce cadre, le CESE prend en compte les scénarios envisagés par thierry Wahl pour améliorer la gouvernance nationale de la politique nationale d’aménagement du territoire.

Métropoles et pôles métropolitains Il s’agit d’une tendance lourde de fait, mais est-elle maîtrisée ?

Le débat reste vif entre les experts tenant des différentes théories sur le polycentrisme, les réseaux de ville, la concentration et la densification. Il ne s’agit donc pas d’en traiter de manière exhaustive.

Par contre, le CESE estime nécessaire de soumettre trois interrogations aux décideurs : – Si les enjeux économiques paraissent à peu près cernés et font l’objet de politiques territoriales volontaristes, leurs enjeux sociaux et environnementaux ne sont-ils pas encore largement sous-estimés ? – Les métropoles et pôles métropolitains sont-ils des moteurs de croissance, et/ou dans le contexte actuel, ces mêmes enjeux ont-ils des effets pervers tel qu’un « effet de siphonage » certes des crédits publics mais surtout des activités productives ? S’agit-il d’une vraie ou fausse question ? – Paris, capitale de la France, « ville-monde ».

Mais la politique actuellement discutée du Grand Paris doit-elle ignorer ces dernières interrogations ? Ces entités « métropoles », nouveaux échelons territoriaux, bientôt consacrées par la loi, doivent-elles faire l’objet de politiques spécifiques, qui, par définition, n’auraient aucun effet sur le reste du pays et de ses territoires ?

Article publié le 7 décembre 2013.


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