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Mémoire d’enfer : les "fusillés pour l’exemple de 1917 "méritent une réhabilitation collective.

Les « fusillés pour l’exemple » de la grande guerre doivent-ils rester marqués par l’opprobre ? Une réhabilitation collective s’impose !

Ils furent passés par les armes après des conseils de guerre improvisés et sommaires et sous des prétextes divers : sentinelle endormie, insulte à officier, battu en retraite sans autorisation, mutinerie, désertion (...)

Sur un front qui n’était qu’un immense charnier, sous les obus et la mitraille, des hommes ont souffert, douté, ont eu peur ; d’aucuns ont refusé de partir à l’assaut, de tuer , ou encore d’obéir à des ordres donnés par des officiers incapables de protéger leurs hommes (...)

Malgré les conditions exceptionnelles dans lesquelles ont agi – ou refusé d’agir – ces hommes, souvent très jeunes, l’absence de toute disposition de réhabilitation persiste à les faire considérer comme des lâches ou des traîtres, flétrissant ainsi leur mémoire et jetant l’opprobre sur leurs descendants.

Oui, ils furent victimes, comme les autres combattants, d’une grande boucherie, d’une guerre qui ne fut pas celle du droit mais du déchaînement des nationalismes, d’une guerre pour la défense d’intérêts qui n’étaient pas les leurs et d’un commandement défaillant ; enfin, ils furent les victimes de procédures judiciaires militaires iniques.

En 1998, à Craonne, les propos du premier ministre, Lionel Jospin, ont été un premier grand pas : «   Épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, ils refusèrent d’être sacrifiés, victimes d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats (...) Qu’ils réintègrent aujourd’hui pleinement notre mémoire collective nationale.  »

En 2008, le président Sarkozy pourtant peu enclin à la «  repentance  » ajoutait : «   Mais, quatre-vingt-dix ans après, je veux dire, au nom de la nation, que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches, mais simplement, ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces.   »

Il faut maintenant aller plus loin et ne pas se contenter de réhabilitations individuelles. Le cas par cas est impossible car les pièces
judiciaires manquent. Mais ce serait aussi ne pas prendre en compte les progrès de l’historiographie, qui intègre ces actes dans un continuum beaucoup plus vaste d’indiscipline et de refus de la guerre.

Alors que François Hollande lance les commémorations du centenaire de la Grande Guerre ( Voire à ce sujet le débat des historiens Anne Jollet, Antoine Prost et Nicolas Offenstadt en cliquant ici : Débat : peut-on célébrer la guerre de 14-18 ? ), un rapport a été remis début octobre par des historiens à Kader Arif, visant à réintégrer «  les fusillés pour l’exemple  » dans la mémoire collective.

«   Aujourd’hui, on compte autour de 600 à 650 fusillés pour des faits relevant de la désobéissance militaire et, en comptant les crimes de droit commun et l’espionnage, 740 environ au total    », rappelle le rapport coordonné par le président du conseil scientifique de la mission du centenaire, Antoine Prost. Les auteurs effectuent une distinction entre les «  fusillés  », dont la plupart l’ont été entre 1914 et 1915, et les «  mutins  » de l’année 1917.

Cent ans après le début du premier conflit mondial, «   un large consensus existe dans notre société pour estimer que la plupart n’étaient pas des lâches    » mais de «   bons soldats, qui avaient fait leur devoir et ne méritaient pas la mort    », soulignent les historiens.

Reste à voir quelle forme prendra cette réhabilitation, les auteurs du rapport plaidant pour «  une déclaration solennelle, éventuellement renforcée par un projet pédagogique  ».

Le président de la République et le gouvernement doivent parler dans ce sens et il existe une majorité au Parlement pour voter une loi de réhabilitation collective. La France ne peut pas faire moins que le Royaume-Uni, le Canada et la Nouvelle-Zélande qui ont déjà pris ce type de décisions.


 Pour accéder à toute la série d’émissions de Daniel Mermet ( Là bas si j’y suis ) sur le thème des fusillés de 1917 - émissions diffusées su France Inter entre 2008 et 2011 - , cliquez sur le lien suivant :

La chanson de Craonne les fusillés de 1917

 La Chanson de Craonne  : connue pour avoir été entonnée par les soldats qui se sont mutinés (dans une cinquantaine de régiments de l’armée française) après l’offensive meurtrière et militairement désastreuse du général Nivelle au Chemin des Dames.

 Extrait du film " Les sentiers de la Gloire" de Stanley Kubrick réalisé en 1957 et interdit en France jusqu’en 1971 :

  JOHNNY S’EN VA EN GUERRE : film poignant de Dalton Trumbo, adaptation de son roman :

Article publié le 10 novembre 2013.


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