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Palestine : bande de Gaza, l’engrenage meurtrier. Le martyre d’un peuple.

Ci-dessous une suite d’articles et d’éditoriaux sur la guerre en cours à gaza et le martyre d’un peuple :

Politis : Denis Sieffert Les deux fronts de la guerre israélienne.

En ce terrible été 2014, deux actualités internationales se croisent et se recroisent devant nos yeux, au point parfois de se confondre. À l’est de l’Ukraine, les soldats perdus d’une armée morte errent au milieu des débris de l’appareil de la Malaysia Airlines, victime collatérale d’une guerre trop vite oubliée. Depuis Gaza, les images nous viennent de corps ensanglantés entassés dans des hôpitaux de fortune, et de volutes de fumée noire qui marquent au loin le lieu d’un nouveau crime. Ce ne sont pas tant les images qui se ressemblent, que les commentaires qui, involontairement, créent la confusion. Car ces « États-Unis qui font pression… », ce « Barack Obama qui menace » pourraient être interchangeables. Mais non. C’est sur Poutine, et lui seul, qu’ils font pression, et c’est le Président russe qu’ils menacent de nouvelles sanctions financières s’il ne lâche pas définitivement les milices séparatistes. Jamais Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien peut bien continuer à noyer Gaza sous un déluge de bombes.

À l’heure où j’écris ces lignes, c’est comme si deux longs courriers avaient déjà été abattus, et qu’un troisième était en cours de destruction. Et rien n’est fait pour empêcher la nouvelle catastrophe. Il est vrai que les « passagers » sont Palestiniens, et que ces « gueux », affamés par sept ans d’un blocus inhumain, ne comptent guère dans le paysage économique et politique de nos pays. Pourquoi cet abandon désormais habituel ? Une guerre israélienne se mène toujours sur deux fronts : d’un côté, les bombes et les chars ; de l’autre, la désinformation et le bâillon. Le gouvernement israélien sait que son plus redoutable ennemi n’est pas le Hamas, mais l’opinion publique. Si un peu partout dans le monde les manifestations viennent à gagner en ampleur, si l’indignation et la colère montent des capitales européennes ou – pire encore – de Tel-Aviv, il sait qu’il va devoir lâcher prise. Les bombes, Israël s’en charge. Mais sur le deuxième front, M. Netanyahou a besoin d’alliés sûrs et peu regardants sur les méthodes. Particulièrement à Paris, enjeu important depuis toujours de cette guerre de l’opinion, parce que la France est le pays des plus fortes communautés juives et musulmanes, mais aussi parce que, depuis de Gaulle, elle s’est souvent montrée indocile. Sarkozy s’était déjà rapproché d’Israël en s’alignant sur les États-Unis. Mais voilà qu’avec Hollande et Valls, on va plus loin. Il y a dans leurs discours un supplément d’affect. Manuel Valls s’exprime à peu près comme un dirigeant du Likoud. Sans un mot, ni un regard pour les centaines de victimes palestiniennes.

Et tous ceux qui manifestent leur émotion et leur indignation sont des antisémites. Si bien qu’il est urgent de les faire taire. Toute la force du discours des dirigeants israéliens, repris hélas par nos voix les plus officielles, tient dans cet oubli volontaire qu’ils ont même réussi à effacer de la conscience de leur peuple : ils colonisent à tour de bras la Cisjordanie et Jérusalem-Est, ils imposent à Gaza une misère insupportable. Et ils humilient sans cesse ceux des Palestiniens qui, comme Mahmoud Abbas, ont fait le choix de négocier avec eux. Si bien qu’ils ont réussi à faire le succès du Hamas dans l’opinion palestinienne. Comme ils feront demain celui de jihadistes autrement plus incontrôlables. Mais il y a quelque chose qui échappe à ce récit devenu obligatoire du conflit israélo-palestinien : ce sont les images. Le fascisant ministre des Affaires étrangères israélien, Avigdor Lieberman, a bien songé à les faire interdire, mais le pas n’a pas encore été franchi. Ces images défilent donc, produisant un peu partout émotion et colère. Une colère parfois folle, et en effet inacceptable, quand elle s’attaque à une synagogue ou à des commerçants juifs, comme ce fut le cas à Sarcelles, le 19 juillet. Mais une colère presque toujours saine, qui reste sur le terrain de la protestation civique et de l’appel à la conscience.

Dans le silence d’une communauté internationale qui ne peut dissimuler sa complicité, et face à un discours totalement bloqué qui occulte en permanence la dimension coloniale du conflit pour le transformer en « choc des civilisations », les manifestations internationales constituent finalement la seule note de justice et de vérité. Et d’espoir. Il faut donc conserver toute leur force morale et leur probité. Quant à notre duo exécutif, il serait plus audible dans sa lutte contre l’antisémitisme s’il interpellait publiquement les dirigeants israéliens. Ce n’est pas seulement son silence sur les crimes actuels qui est coupable, c’est le refus permanent de dénoncer haut et fort la colonisation et le blocus. Répéter à tout bout de champ qu’il ne faut pas importer en France le conflit israélo-palestinien, c’est bien, pourvu que ce slogan n’apparaisse pas comme un appel à l’indifférence et au cynisme. Une invitation à renoncer à toute solidarité. Et comme une pièce dans la guerre israélienne de l’information.


Ancien pilote d’hélicoptère, Yonathan Shapira a été mis au ban de l’armée israélienne en 2003 pour avoir dénoncé ses méthodes. Il soutient aujourd’hui les appelés et les réservistes qui refusent de servir à Gaza.

« Gaza est le symbole de ce qu’un pouvoir militariste et colonial peut faire de pire  »


En Israël et à Gaza, des voix de la raison s’élèvent


Leïla Shahid : « Un crime de guerre avec la complicité de la communauté internationale »


Gaza :« C’est un carnage, une machine à viande hachée »


L’humiliation à coups de crosse dans la nuque


Bloody Sunday à Chadjaiya, 62 morts et plus de 400 blessés


Une question d’« équilibre » par Serge Halimi, août 2014

L’expédition punitive de l’armée israélienne à Gaza a réactivé l’une des aspirations les plus spontanées du journalisme moderne : le droit à la paresse. En termes plus professionnels, on appelle cela l’« équilibre ». La chaîne de télévision américaine d’extrême droite Fox News se qualifie ainsi, non sans humour, de « juste et équilibrée » (fair and balanced ).

Dans le cas du conflit au Proche-Orient, où les torts ne sont pas également partagés, l’« équilibre » revient à oublier qui est la puissance occupante. Mais, pour la plupart des journalistes occidentaux, c’est aussi un moyen de se protéger du fanatisme des destinataires d’une information dérangeante en faisant de celle-ci un point de vue aussitôt contesté. Outre qu’on n’observe pas ce même biais dans d’autres crises internationales, celle de l’Ukraine par exemple (lire « Médias français en campagne ukrainienne »), le véritable équilibre souffre pour deux raisons. D’abord parce que, entre les images d’un carnage prolongé à Gaza et celles d’une alerte au tir de roquettes sur une plage de Tel-Aviv, une bonne balance devrait pencher un peu... Ensuite, parce que certains protagonistes, israéliens dans le cas d’espèce, disposent de communicants professionnels, tandis que d’autres n’ont à offrir aux médias occidentaux que le calvaire de leurs civils.

Or inspirer la pitié ne constitue pas une arme politique efficace ; mieux vaut contrôler le récit des événements. Depuis des décennies, on nous explique donc qu’Israël « riposte » ou « réplique ». Ce petit Etat pacifique, mal protégé, sans allié puissant, parvient pourtant toujours à l’emporter, parfois sans une égratignure... Pour qu’un tel miracle s’accomplisse, chaque affrontement doit débuter au moment précis où Israël s’affiche en victime stupéfaite de la méchanceté qui l’accable (un enlèvement, un attentat, une agression, un assassinat). C’est sur ce terrain bien balisé que se déploie ensuite la doctrine de l’« équilibre ». L’un s’indignera de l’envoi de roquettes contre des populations civiles ; l’autre lui objectera que la « riposte » israélienne fut beaucoup plus meurtrière. Un crime de guerre partout, balle au centre, en somme.

Et ainsi on oublie le reste, c’est-à-dire l’essentiel : l’occupation militaire de la Cisjordanie, le blocus économique de Gaza, la colonisation croissante des terres. Car l’information continue ne semble jamais avoir assez de temps pour creuser ce genre de détails. Combien de ses plus gros consommateurs savent-ils, par exemple, qu’entre la guerre des six jours et celle d’Irak, soit entre 1967 et 2003, plus du tiers des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ont été transgressées par un seul Etat, Israël, et que souvent elles concernaient... la colonisation de territoires palestiniens (1) ? Autant dire qu’un simple cessez-le-feu à Gaza reviendrait à perpétuer une violation reconnue du droit international.

On ne peut pas compter sur Paris pour le rappeler. En déclarant, le 9 juillet dernier, sans un mot pour les dizaines de victimes civiles palestiniennes, qu’il appartenait au gouvernement de Tel-Aviv de « prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces », M. François Hollande ne se soucie plus d’équilibre. Il est devenu le petit télégraphiste de la droite israélienne.

Article publié le 4 août 2014.


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