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Un calcul simple : Pourquoi le pacte de responsabilité n’améliorera pas les marges des entreprises et ne créera pas d’emplois. L’analyse de Christian Chavagneux, directeur de la revue : L’Economie Politique.

Lors de ses vœux, le président de la République a proposé aux chefs d’entreprises un donnant-donnant : une baisse des cotisations sociales patronales contre des créations d’emplois. Un mécanisme idéal en théorie mais inefficace en pratique.

 Un mécanisme théorique idéal :

Sur le plan théorique, quoi de plus idéale que la proposition de François Hollande : en offrant une baisse des cotisations aux chefs d’entreprises, le président réduit le coût du travail et redonne soit des marges (si les entreprises ne baissent pas leurs prix), soit de la compétitivité (si elles baissent leurs prix) aux entreprises. Ces dernières voyant leur position s’améliorer peuvent plus facilement sauver l’emploi, voire embaucher.

Pierre Gattaz, le président du Medef a lui-même proposé ce donnant-donnant depuis plusieurs mois : 100 milliards de réduction des cotisations contre 1 million d’emplois créés. C’est la logique de cet échange et les mécanismes supposés vertueux qui l’accompagnent que le président a accepté le 31 décembre dernier.

Malheureusement pour la France, ce pacte est un marché de dupes.

 Où sont les emplois ?

Allons d’abord voir du côté des emplois. Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent, qu’elles viennent des hommes politiques ou du Medef. Si un coup de baguette magique permettait de créer 1 million d’emplois, nul doute que nos dirigeants auraient depuis longtemps été prêts à acheter, et même cher, ce tour de magie.

Malheureusement, la vie quotidienne du chef d’entreprise est ancrée dans la réalité et pas dans la magie. C’est Jean-François Roubaud, le président de la CGPME qui l’explique bien chez nos confrères des Echos le 2 janvier dernier. Lorsque la journaliste du quotidien lui fait remarquer que les allègements de cotisations ne se sont pas vraiment traduits dans le passé par des créations d’emplois, il s’indigne et répond « Encore faut-il que les carnets de commandes se remplissent » !

Et il a bien raison le patron de la CGPME : ce qui incite les chefs d’entreprise à embaucher, c’est d’abord la perspective d’avoir des commandes dans le futur, bref pour parler comme les économistes, d’avoir des perspectives stables et durables de demande. L’emploi se créé par une politique de demande, pas par des mesures sur l’offre, comme l’explique bien M. Roubaud.

Mais, un effort conséquent sur les allègements de cotisations ne pourrait-il pas quand même avoir un effet significatif en faveur de l’emploi ? L’arithmétique montre que non.

 Pourquoi les entreprises y gagneraient peu :

Il faut commencer par rappeler que suivant les secteurs, le coût du travail représente entre 20 et 25 % du coût de production total. Selon les données de l’Insee, en 2012, le total des rémunérations versées par les entreprises (salaires nets + cotisations employés et patronales) s’est élevé à environ 700 milliards d’euros. Sur ce total, les cotisations patronales se montaient à environ 170 milliards, soit 25 % du coût salarial.

Le président de la République n’a pas proposé de supprimer toutes les cotisations patronales. L’idée qui court aujourd’hui est de considérer que si les cotisations pour le chômage et la retraite sont liées à l’emploi, celles destinées à financer la politique familiale ne devraient pas reposer sur les entreprises mais sur « la solidarité nationale », c’est-à-dire l’impôt sur les ménages. Or, le montant des cotisations familles représente environ 35 milliards d’euros, soit 5 % du coût du travail.

 Conclusion : si on enlève toutes les cotisations familles, on enlève au mieux 5 % de 25 % de coût de production des entreprises, soit une baisse de… 1,2 %. Qui peut croire que cela va permettre aux chefs d’entreprise de faire un bond de compétitivité ou de reconstitution des marges ?

Soyons fous : donnons au Medef ce qu’il demande, 100 milliards d’allègements de cotisations. On réduirait cette fois le coût de production des entreprises de 14 % de 25 % du total, soit une baisse de 3,5 %. Soit une misère par rapport aux variations des prix de l’énergie ou du taux de change de l’euro. Par exemple, entre décembre 2012 et décembre 2013, le taux de change effectif réel de l’euro pour la France – le taux de change de l’euro pondéré par la part de nos principaux partenaires commerciaux – a augmenté de 2 %. Une fois cet effet prix en compte, il serait resté aux entreprises un gain de compétitivité de 1,5 %… Qui peut croire que cela peut révolutionner leurs marges et leurs perspectives d’avenir ?

Un calcul économique simple montre que le pacte de responsabilité proposé par le chef de l’Etat est un marché de dupes. Des chefs d’entreprise bon gestionnaires n’échangeront pas 1% de baisse de coût du travail total contre 1million d’emplois. Le chef de l’Etat fait-il alors un calcul politique ? On ne voit pas très bien lequel. Mais si c’est le cas, il faut lui rappeler cette évidence : les entreprises ne votent pas…

Article publié le 25 janvier 2014.


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