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Une étude du CERC sur la précarité dans la France d’aujourd’hui.

Devant la montée régulière du mécontentement sur le pouvoir d’achat, le gouvernement a réuni le 14/12/2006 une conférence avec les syndicats et le patronat.

Ce n’est pas un « Grenelle », une négociation en bonne et due forme, simplement une conférence tripartite, réunissant
gouvernement, syndicats et patronat.
Il n’empêche : en organisant aujourd’hui cette rencontre sur l’emploi et les revenus, le premier ministre prend acte de réalités qu’il s’emploie habituellement à dissimuler sous un flot de statistiques optimistes.

Selon les chiffres officiels, le chômage baisse, le pouvoir d’achat croît. Mais, selon le vécu de nos concitoyens, « la vie est désormais plus difficile », comme le souligne le rapport établi par le CERC (Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, présidé par Jacques Delors), pour la préparation de la conférence.
Rempli de données accablantes pour un pays classé 4e puissance économique mondiale, ce document montre que le « ressenti » traduit par toutes les enquêtes d’opinion ne relève en rien de l’imaginaire. Et il désigne clairement le principal responsable de la mal vie : la précarité de l’emploi.

Des emplois, la France en crée (2,6 millions entre 1993 et 2005, période étudiée par le CERC), mais, premier bémol, moins que la moyenne des pays de l’UE, pas assez pour résorber son niveau de chômage (au-dessus de 8 % depuis vingt ans), plus élevé lui que la moyenne européenne. Surtout, il s’agit d’un emploi caractérisé par une grande instabilité (le fait de perdre son poste) et une forte insécurité (le risque de ne plus être en emploi dans un an).
En clair, un nombre croissant de salariés, en particulier les jeunes, les moins qualifiés, les femmes, subissent la loi de contrats courts, de temps de travail réduits, en alternance avec des périodes de chômage.

Plus d’un quart (28 %) des jeunes actifs a connu au moins une période sans emploi dans l’année, indique par exemple le rapport, qui pointe également le phénomène du déclassement des jeunes bacheliers qui occupent de plus en plus souvent des postes non qualifiés. Le règne du temps partiel s’étend (13,7 % des emplois en 1993, 16,2 % en 2002, et, en 2005, 29 % de titulaires déclaraient souhaiter travailler davantage). Autre donnée révélatrice, en 2006, deux millions de demandeurs d’emplois avaient connu une durée de chômage de 12 mois sur les 18 derniers mois.

-des inégalités énormes :

Cet éclatement de l’emploi a de lourdes conséquences sur les revenus :

« chaque année, environ 40 % des salariés voient leur salaire individuel baisser principalement en raison de la variation de leur durée d’emploi ou de leur durée de travail ». La mesure du salaire annuel permet de mettre en évidence des inégalités énormes : entre la rémunération moyenne des 10 % les moins payés et celle des 10 % les mieux lotis, l’écart est de 1 à 54 !

L’impact de la précarité de l’emploi est d’autant plus fort que le niveau des salaires est quasiment bloqué depuis de longues années par le patronat, entraînant une smicardisation de la France (17 % de travailleurs sont actuellement payés à ce niveau). Total, « le revenu de la majorité des Français n’est pas très élevé » (la moitié vit avec moins de 1 315 euros par mois), constate le CERC, et « la vie courante n’est pas évidente dès ce niveau de revenu, surtout si le loyer est élevé ou si les obligations de transport en prélèvent une large part ». Car, si les statistiques de l’INSEE indiquent régulièrement une hausse du pouvoir d’achat, il en va, dans les faits, tout autrement pour un grand nombre de ménages, l’indice des prix minorant le poids réel de dépenses souvent contraintes, tels le logement, l’énergie, la téléphonie dont les prix flambent.

La situation des salariés ne saurait occulter celle des sans-emploi. Le rapport pointe la faiblesse des minima sociaux - et en particulier l’exclusion des moins de vingt-cinq ans du droit à toute allocation -, les lacunes de l’indemnisation du chômage (61 % seulement de demandeurs d’emplois touchent une allocation), ainsi que le recul du pouvoir d’achat des retraités, dont près de 600 000 sont réduits au « minimum vieillesse » (610 euros mensuels pour une personne seule).

-Les salariés, variable d’ajustement :

Au chapitre des maux engendrés par la précarité de l’emploi, il faut encore ajouter les difficultés pour accéder au logement, au crédit. Une fin de contrat entraîne aussi souvent la fin de la couverture fournie par la protection complémentaire d’entreprise (santé, incapacité, invalidité). Ce tableau noir ne met pas seulement en cause la recherche par les entreprises de « niveaux élevés de rentabilité » financière qui « pénalise la croissance » et « fait des salariés la principale variable d’ajustement » ; il accuse les politiques publiques menées depuis une vingtaine d’années qui, à coups notamment d’allégements du « coût du travail » (exonérations de cotisations sociales), ont entraîné une dégradation en profondeur de la nature et de la rémunération de l’emploi.

Comme le note par exemple le rapport du CERC, si l’insécurité de l’emploi est si forte pour les salariés non-qualifiés, c’est que, « pour les employeurs, leur remplacement est peu coûteux »... .
Les pouvoirs publics pourraient contribuer à renverser la vapeur en utilisant les mêmes leviers (fiscalité, aides publiques) pour inciter au développement d’un emploi stable, qualifié, bien payé. Les idées en la matière ne manquent pas (voir page suivante les propositions des syndicats) . Les premières pistes de réponse esquissées ces derniers jours par Dominique de Villepin (faciliter l’accès des femmes à temps à partiel à la validation des acquis de l’expérience, « bourse de stages » pour les jeunes, etc.) étaient loin du compte.

Rapport complet du CERC

Article publié le 15 décembre 2006.


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