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Vidéo : Michael Zemmour, économiste, maître de conférences à Panthéon Sorbonne démonte les mensonges gouvernementaux sur la réforme des retraites.

Cinq pistes pour combler le déficit des retraites sans se fatiguer

D’autres solutions que l’âge de départ peuvent permettre d’équilibrer le système de retraite. L’économiste Michaël Zemmour propose cinq pistes qui permettraient de dégager 35 milliards d’euros de recettes.

Le gouvernement cherche, semble-t-il, à combler rapidement le déficit prévisionnel des retraites d’ici à 2027. Comme il l’indique lui-même (PLF 2023 page 9, programme de stabilité page 3), il ne le fait pas d’abord pour des raisons inhérentes au système des retraites, mais plus pour pouvoir afficher une réduction globale du déficit structurel qu’il a lui-même aggravé, notamment par la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou de la taxe d’habitation.

Du point de vue du système de retraite, la logique du modèle par répartition veut que l’on recherche l’équilibre à moyen terme. Cela étant, chercher à résorber le déficit d’ici à 2027 n’est ni nécessaire, ni forcément la meilleure chose à faire. En effet, un régime de retraite peut tout à fait tolérer un déficit à condition que celui-ci soit transitoire – ce qui est le cas au moins pour une partie du déficit prévu –, ou parce que la conjoncture est défavorable ; or, nous sommes encore dans la crise post-Covid et la guerre en Ukraine menace fortement la conjoncture de 2023.

On pourrait tout à fait viser l’équilibre à l’horizon 2035 ou 2040, en refermant progressivement le déficit pour un pilotage moins heurté. Il n’y a d’ailleurs pas de grande différence entre tolérer un déficit temporaire et mettre en place un fonds de réserve des retraites, ce qui avait été fait par le passé avant que celui-ci ne soit utilisé à d’autres fins.

Mais admettons, pour l’exercice, et parce que c’est l’objectif que se fixe le gouvernement, qu’il faille trouver des milliards d’ici cinq ans – « Les chiffres sont là, ils sont implacables. On a un déficit qui dépassera les 12 milliards d’euros en 2027 et continuera à se creuser si l’on ne fait rien », a déclaré Elisabeth Borne dans un entretien au Parisien, le 2 décembre . Voici donc quelques pistes.

Faciles à mettre en œuvre, elles représenteraient, ensemble, 35 milliards d’euros. Ce ne sont peut-être pas les meilleures, et je ne doute pas que les services de Bercy en aient d’autres sous le coude. Le point ici est de montrer que, sans forcer le raisonnement, il n’y a rien d’insurmontable, ni rien qui justifie de présenter la réforme d’âge portée par le gouvernement comme la seule piste.

Je ne fais pas de distinction franche entre financement par l’Etat et financement par cotisation car le gouvernement raisonne sur le financement de l’ensemble du système qui mêle ces deux modalités.

Pour combler le déficit, il suffirait d’en mettre en œuvre un tiers. Afin d’enrayer complètement la baisse des pensions, il faudrait aller un peu plus loin, mais à un horizon plus éloigné, 2040 par exemple.

1/ Revenir sur les exonérations de cotisations les plus inutiles : 2 milliards d’euros par an

Il y a aujourd’hui consensus parmi les économistes pour dire qu’au moins une partie des exonérations de cotisations employeurs, la partie ciblée sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic, est à la fois inutile et coûteuse. Sa suppression rapporterait à l’Etat 2 milliards d’euros qu’il pourrait consacrer au système de retraite.

En réalité, on pourrait aller beaucoup plus loin : la note du Conseil d’analyse économique (CAE) sur le sujet invite elle-même à considérer la suppression des exonérations au-delà de 1,6 Smic, ce qui est déjà beaucoup plus large. Au-delà, l’ensemble des exonérations de cotisations employeur représente de l’ordre de 80 milliards d’euros et il y en a une part bien plus large qui peut être progressivement réduite sans effet notable sur l’emploi.

2/ Soumettre l’épargne salariale à cotisations retraite : 3 milliards en 2027

L’épargne salariale est essentiellement constituée de « l’intéressement » ou « participation aux bénéfices ». Elle est soumise à de faibles prélèvements sociaux (CSG et forfait social), équivalant aux cotisations « non contributives » (ni chômage ni retraite). Ces éléments de rémunérations, qui représentent environ 20 milliards d’euros par an, pourraient être soumis à des cotisations retraite.

L’inclusion de l’épargne salariale rapporterait aux régimes de retraite un flux de cotisations de l’ordre de 3,5 milliards d’euros supplémentaires par an. En contrepartie, les salariés obtiendraient des droits à la retraite sur les sommes versées par l’employeur au titre de l’épargne salariale.

A long terme, l’opération serait donc relativement neutre – plus de cotisations, mais plus de droits acquis par les salariés –, mais à court terme, cette opération serait très favorable aux régimes des retraites puisque tout le monde cotiserait, mais les nouveaux droits acquis à l’horizon 2027 seraient relativement faibles. En 2027, le gain net pour les régimes des retraites serait de l’ordre de 3 milliards et deviendrait un gain nul à l’horizon 2070.

3/ Ralentir le remboursement de la dette sociale : 10 milliards en 2027

Pour amortir la dette sociale issue de la gestion, discutable financièrement, par l’Etat de la crise du Covid, des ressources importantes sont absorbées chaque année par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). On pourrait ralentir le rythme d’amortissement de la dette sociale en décidant de n’y consacrer que les recettes de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

La part de la CSG et du Fonds de réserve des retraites aujourd’hui dirigée vers la Cades pourrait être affectée au financement des retraites. Ces ressources représentent de l’ordre de 10 milliards annuels.
Du point de vue de la gestion des finances sociales, cette piste très cohérente avait été évoquée, notamment pour financer la dépendance dans le rapport Libault. Cette solution présente l’inconvénient d’augmenter le déficit au sens de Maastricht (quand on se désendette, c’est compté comme une réduction de déficit). Elle pourrait très bien se combiner par exemple avec la piste n° 4 qui, elle, réduit le déficit.

4/ Revenir sur la baisse de la CVAE : 8 milliards par an dès 2024

La décision de réduction des impôts de production, qui poursuit une baisse entamée depuis plusieurs années, est extrêmement onéreuse. Elle coûte déjà depuis 2020 une quinzaine de milliards d’euros par an et va encore coûter 8 milliards d’euros de plus par an à partir de 2024.

Or, cette mesure n’a même pas fait l’objet d’une évaluation précise. La note du CAE qui la recommande le fait sur la base d’un argument théorique et au nom de la « simplification », et ne fournit pas d’ordre de grandeur indicatif de l’effet bénéfique attendu. L’étude particulière réalisée sur le sujet souligne la difficulté de trouver des effets détectables de la CVAE.

5/ Augmenter les cotisations de 0,8 point d’ici à 2027 : 12 milliards de recettes

Sous les hypothèses du gouvernement, sans doute trop optimistes, cela donne 11 euros net par mois en 2027 pour une personne au Smic et 22 euros net pour une personne au salaire moyen (2 574 euros en 2022), en faisant l’hypothèse (extrême) que l’intégralité de la hausse de cotisation est supportée par les salariés et non par les employeurs.

Bien sûr, si ces montants sont jugés trop élevés, il est possible d’être deux fois moins ambitieux : augmenter les cotisations de 0,4 point rapporterait 6 milliards, etc. Les détails du raisonnement et du calcul se trouvent dans cet autre billet :

Combien de cotisations faudrait-il pour équilibrer le système ?

Une alternative également praticable serait d’augmenter les cotisations au-dessus du plafond de la Sécurité sociale seulement. Les effets seraient ainsi concentrés sur les salariés dont le salaire brut est supérieur à 3 666 euros mensuel, ce qui exclurait une baisse de pouvoir d’achat pour les ménages modestes et n’aurait sans doute aucun effet négatif sur l’emploi. Il suffirait pour cela d’augmenter la cotisation retraite déplafonnée, par exemple en diminuant la cotisation retraite plafonnée.

Trouver 12 milliards d’euros, d’ici à 2027, dans un système de retraite qui collecte plus de 300 milliards d’euros par an, et dans un contexte où le gouvernement est capable d’augmenter les dépenses ou de baisser les prélèvements à coups de dizaines de milliards n’est vraiment pas une montagne.

Encore une fois, les pistes évoquées ici se font à cadre constant, sans changement du rapport de force sur les salaires, sans changement de cadre économique, et ne sont pas « gratuites ». Mais il est assez certain que toutes seront jugées par la plupart des assurés nettement préférables à une augmentation très rapide de l’âge minimal de la retraite.

Michael Zemmour est enseignant-chercheur à l’université Paris 1 (Centre d’économie de la Sorbonne) et chercheur associé à Sciences Po

Article publié le 15 janvier 2023.


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