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Casse de l’hôpital public : le professeur Albert Bensman témoigne :«  En cassant l’hôpital Trousseau, on s’attaque à des enfants en danger de mort !  »

Albert Bensman «  En cassant Trousseau, on s’attaque à des enfants en danger de mort !  »Chef de service, le professeur Albert Bensman s’est jeté corps et âme dans la bataille contre le démantèlement d’un des grands hôpitaux pédiatriques de France.

Témoignage paru dans le journal L’Humanité du 3 février 2010.

«  Je ne pouvais pas imaginer, et je ne peux toujours pas. Ce n’est pas possible  ! Une société va faire en sorte qu’il y ait une diminution de l’offre de soins pour des enfants gravement malades  ?  ! Si l’on ne s’indignait pas devant ça, on ne vaudrait plus rien. On s’attaque à des enfants en danger de mort.  »

« Traumatisé », selon ses mots, le professeur Albert Bensman est avant tout un homme en révolte. Chef du service de néphrologie pédiatrique à l’hôpital pour enfants Armand-Trousseau, dans le 12e arrondissement parisien, il avait déjà défrayé la chronique, fin 2009, en démissionnant de toutes ses fonctions administratives en signe de protestation contre des fermetures de lits et suppressions de postes qui avaient fini par endommager la qualité de prise en charge des patients.

Depuis l’annonce, mi-janvier, du plan de restructuration de l’AP-HP, il s’est jeté, avec la dernière énergie, dans une bagarre à ses yeux proprement vitale. « On connaît l’adage  : on ne touche pas aux enfants », rappelle-t-il, encore sous le choc, avant d’avouer  : « Je croyais qu’on serait protégé. »

Pourtant, sous la pression d’un gouvernement en quête d’économies à tout prix, la direction de l’AP-HP a osé programmer le démantèlement de Trousseau. D’une voix posée, mais ne masquant pas la blessure ressentie, Albert Bensman énumère les atouts accumulés sur un site qui, il y a quarante ans, n’était qu’un hôpital général, avant de devenir progressivement « l’un des grands hôpitaux pédiatriques de France ». Au point, dit-il, que « ce n’est absolument plus un problème de Paris 12e ou même de l’ ??le-de-France, mais une affaire nationale ».

Trousseau, c’est d’abord un pôle lourd de chirurgie pédiatrique, avec une série de spécialités (orthopédie, viscéral, tête et cou…) dont les équipes ont parfois été pionnières en leur domaine et ont acquis une reconnaissance internationale. C’est aussi une gamme de médecines spécialisées  : on trouve ici, entre autres, « le seul service d’oncologie pédiatrique de l’AP », un service de pneumologie pédiatrique, discipline « quasiment née » à Trousseau.

Ce sont encore deux maternités, dont une de niveau 3, prenant en charge la naissance d’enfants « dont on sait qu’ils avaient déjà une maladie grâce à la médecine fœtale », et ce sont, en parallèle, des laboratoires dédiés à une recherche pointue (génétique, fœto-pathologie…), contribuant à faire de Trousseau « le pôle de référence de la médecine fœtale de l’Est parisien ». Au total, « une construction cohérente, répondant à la définition d’un CHU », un site où l’ensemble des spécialités « se parlent, discutent des malades ensemble ». Un environnement, une interaction, propres à rendre cette structure « attractive », ce qui a permis d’y « nommer des gens brillants ». Et d’y réaliser des prouesses, comme cette première mondiale, il y a deux mois : une greffe du foie et du rein sur un enfant le même jour. Car si Trousseau revêt aussi une dimension d’hôpital de proximité, avec 45 000 urgences pédiatriques accueillies chaque année, sa marque de fabrique, en quelque sorte, c’est d’être un centre de médecine de recours, où l’on prend en charge des enfants, venus de toute la France et de l’étranger, dont les pathologies complexes sont restées sans solution.

Intarissable, Albert Bensman évoque encore l’enseignement dispensé par les gens de Trousseau à l’université Paris-VI, « l’enthousiasme à soulever des montagnes » de ses collègues, « l’excitation » des équipes « chaque fois qu’il y a une transplantation rénale »… Comme pour faire toujours mieux mesurer ce traumatisme, largement partagé par les personnels – « l’ensemble de cet hôpital fait bloc », dit-il –, engendré par le projet de l’AP. « On casse tout », résume-t-il. Trousseau perdrait tous ses services spécialisés, renvoyés, pour certains, sur Necker, à l’ouest de Paris, pour d’autres sur Robert-Debré. Un « dépeçage », d’autant plus « inconcevable » que « c’est vraiment une équipe cohérente, qui fait que cet hôpital marche ». Une décision « d’une brutalité incroyable », prise par des gens qui « n’ont eu aucune concertation avec nous ». La seule explication étant qu’« on coûterait trop cher », même si, à ce jour, note le professeur, ces décideurs n’ont pu lui dire « combien d’économies » ils feraient ainsi…Les hospitaliers de Trousseau ne nient pas, au demeurant, les besoins d’investissement dans un établissement dont la vieille architecture pavillonnaire pèse sur l’efficience. Ils avaient d’ailleurs bâti un projet de modernisation – superbement ignoré –, pour un coût de 100 millions d’euros. Loin de la facture de la baisse de la TVA sur la restauration (2,3 milliards d’euros par an)  : « Les caisses sont vides, mais en fonction d’une certaine politique… » constate le professeur.

Devenu l’une des figures de proue du mouvement des médecins de l’AP pour la défense de l’hôpital public, Albert Bensman, qui, jusqu’ici, n’avait « jamais milité », affiche une détermination sans faille, frappant aux portes des journaux, interpellant sans ménagement les élus socialistes de Paris et de l’ ??le-de-France (« ça se passe dans votre ville, votre région, vous êtes élus du peuple de gauche, et c’est un silence assourdissant »), engageant un dialogue sans concession avec le chef de l’ ??tat (voir ci-dessous). Les nombreuses marques de sympathie reçues, sur Internet, de la part des auditeurs après un passage sur France Inter, ou venant de chefs de service de pédiatrie d’hôpitaux de l’Est parisien œuvrant en réseau avec Trousseau, ne sont sûrement pas faites pour l’arrêter.


 ??change sans concession à l’ ??lysée

Le 13 janvier dernier, à l’ ??lysée, Nicolas Sarkozy recevait, en compagnie de ses conseillers et des ministres Roselyne Bachelot et Valérie Pécresse, 14 professeurs membres du Mouvement de défense de l’hôpital public.

Chacun était invité à s’exprimer, et à dire, en somme, les raisons du malaise sans précédent à l’AP-HP qui a conduit plus d’un millier de toubibs à menacer de démissionner de leurs mandats administratifs pour empêcher la suppression de 3 000 à 4 000emplois. Présent, Albert Bensman confie d’abord avoir été « bluffé » par l’attitude du président, « resté deux heures avec nous ».

Vient son tour de prendre la parole. « Je lui ai dit, raconte-t-il  : je comprends votre concept de l’équilibre budgétaire, mais nous, on a d’autres objectifs. Quand un enfant pleure dans notre service, on voudrait qu’il y ait quelqu’un qui vienne le consoler, et s’il souffre, on voudrait que quelqu’un vienne lui donner un antidouleur tout de suite. Comment conciliez-vous l’objectif numéro 1 avec l’objectif numéro 2  ?…. » Et Albert Bensman d’ajouter alors  : « Monsieur le Président, je ne voudrais pas que les enfants aient la double peine  : la première  : ils sont gravement malades  ; la deuxième, ils ne sont pas pris en charge dans des conditions dignes. » C’est alors que, selon le récit du professeur, le président lui lance, en rigolant  : « Vous savez, M. Bensman, c’est moi qui ai supprimé la double peine  ! » (condamnation pénale, suivie d’expulsion, pour les étrangers – NDLR).

« Je lui ai répondu, enchaîne Albert Bensman  : j’espère que vous la supprimerez aussi en médecine… » S’il s’est montré très à l’écoute, le chef de l’ ??tat n’a, pour autant, pas pris le moindre engagement, hormis celui-ci, à l’endroit du pédiatre de Trousseau  : « Je vous promets que vous n’apprendrez pas la disparition de Trousseau par les médias. » Pas de quoi désarmer la révolte du professeur.


 A Toulouse Purpan c’est le service de cardiologie pédiatrique qui est menacé de fermeture, la spécialité ne serait plus accessible dans le réseau public qu’à Montpellier ou Marseille.

 L’assistance Publique des hôpitaux de paris annonce un projet de restructuration des hôpitaux Parisiens qui se soldera par la perte de 4000 emplois. Voir ci-dessous :

Les hôpitaux parisiens partent à la casse

Sous la pression du gouvernement, l’Assistance publique des Hopitaux de Paris projette de démanteler le réseau hospitalier pour faire des économies. Depuis ces annonces, l’inquiétude monte du côté des médecins et des syndicats qui craignent pour leurs emplois et la qualité de l’offre de soins.
La casse de l’hôpital public menace d’atteindre un point de non-retour. Le plan de regroupement et de restructuration voulu par le ministère de la Santé par l’entremise du directeur général de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), Benoît Leclercq, détruit le paysage hospitalier parisien. Les 37 structures de l’AP-HP vont être rassemblées en 12 groupes hospitaliers, eux-mêmes organisés en zone Nord, Est, Sud, Ouest. L’objectif de ce démantèlement est, comme toujours, de faire des économies.

3 000 à 4 000 emplois menacés

L’AP-HP enregistre un déficit de 1,9 milliard d’euros en 2009. D’ici à 2012, elle devrait diminuer de 300 millions d’euros ses coûts de fonctionnement. Après avoir lâché quelques informations en novembre, les membres du conseil exécutif de l’AP-HP ont annoncé les mesures pour 2010-2012. De 3 000 à 4 000 emplois sont menacés sur un total de 92 000. La nouvelle a soulevé un tollé général  : la CGT dénonce « une gangrène qui détruit l’offre de soins de proximité », c’est « un grand gâchis » pour FO, la CFE-CGC et le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) fustigent les risques accrus d’erreurs médicales dans un contexte de pénurie de soignants. Ambiance.

Les hôpitaux commencent donc à partir en lambeaux. Armand Trousseau devrait perdre 70 % de ses activités. Le conseil exécutif a décidé le regroupement des services de pédiatrie spécialisés à Robert-Debré et à Necker. Trousseau recueillera les activités obstétriques de Saint-Antoine. Et ce dernier verra arriver 15 000 urgences de Tenon. Saint-Vincent-de-Paul serait presque entièrement démantelé. « L’AP-HP veut vendre le bâtiment, justifie Olivier Cammas de la CGT de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Sur les 347 employés à reclasser à l’hôpital Necker (qui fait partie du même groupe que Saint-Vincent-de-Paul), seuls 150 pourraient y aller, mais le bâtiment n’est pas encore fini », poursuit-il. La fusion de Bichat et Beaujon est aussi en marche. D’autres hôpitaux comme Fernand-Widal, Paul-Brousse, Saint-Vincent-de-Paul et l’Hôtel-Dieu sont carrément voués à la disparition, pour faire un maximum d’économies. « La réfection de l’Hôtel-Dieu coûterait 280 millions alors que la création de 450 nouveaux lits à Necker ne coûte que 180 millions », tente de justifier Benoît Leclercq.

Des centaines de postes supprimés, des habitudes de travail chamboulées et des soins dégradés  : voilà ce qui attend l’AP-HP d’après les syndicats. Quand on sait que les chiffres, les estimations, les dates annoncées par le conseil exécutif sont plus qu’approximatifs, l’incertitude est totale. Pour le professeur Bernard Granger, secrétaire du Mouvement de défense de l’hôpital public, regrouper n’est pas forcément une mauvaise chose. « Des rénovations sont nécessaires mais pas dans une telle panique  ! » constate-t-il. S’il y a urgence, c’est que les hôpitaux publics sont maintenant sous le joug d’une logique plus économique que de service public. Depuis l’instauration de la T2A (la tarification à l’acte) en 2007, la logique comptable régit le fonctionnement de l’hôpital. Les recettes des hôpitaux sont amoindries, car les actes médicaux ne sont pas facturés à leur juste prix, selon les détracteurs de la T2A. Ce qui contribue encore plus à creuser le déficit des hôpitaux, un cercle sans fin. La réformes HPST (hôpital patient santé territoire) a achevé de mettre en place cette logique. « Le mode de gestion actuel ne prend pas en compte les besoins des patients », estime Bernard Granger. Après le choc de la découverte du plan dans la presse, les syndicats ont rencontré jeudi la direction de l’AP-HP . « Nous n’avons pas de marge de négociations, nous subissons le projet. Les conséquences sur l’offre de soins avec les suppressions d’emplois vont être désastreuses », constate Rose-May Rousseau, secrétaire de la CGT à l’AP-HP.

L’intersyndicale contre le démantèlement

Les syndicats de l’AP-HP (FO, Usap-CGT, SUD et CFTC), organisés en intersyndicale, s’érigent contre le démantèlement de l’Assistance publique. Ils s’opposent à la destruction du plus grand CHU européen et appellent à organiser des assemblées générales. Deux ont déjà eu lieu à Trousseau et à l’Hôtel-Dieu. Ils exigent l’arrêt des suppressions d’emplois et des fermetures de services. De leur côté, les professeurs du Mouvement de défense de l’hôpital public menacent toujours de démissionner de leur fonction administrative de l’AP-HP si les suppressions de postes venaient à se faire « sans justifications médicales ». C’est-à-dire sans impact sur la qualité des soins. Médecins et syndicats sont en contact pour mener une lutte commune contre la mort de l’hôpital public.

Article publié le 6 février 2010.


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