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RSA ou comment créer une trappe à précarité.

RSA : déclaration de la CGT

 Pour augmenter le taux d’emploi et réduire la pauvreté, il faut plus qu’un revenu de solidarité active
Le Président de la République a annoncé la généralisation du RSA. Les revenus du patrimoine et de placement seraient prélevés à hauteur de 1,1%.

 La CGT partage les principes fondateurs du RSA : chacune, chacun doit pouvoir vivre dignement de son travail, chaque heure de travail doit être rémunératrice, réduire le nombre de travailleurs pauvres et lutter contre la précarité et l’exclusion La CGT considère que cette mesure ne sera pas la grande avancée sociale promise par ce gouvernement. Pour avoir des droits il faudra les mériter !

 Le RSA viserait à « récompenser » uniquement celles et ceux qui reprendront une activité rémunérée. « L’obligation de rechercher un emploi » se substitue à « l’incitation financière à reprendre un travail ». C’est la logique du seul mérite.

 Aucune mesure pour la jeunesse, pour les moins de 25 ans ! Aucune mesure n’est prévue pour les millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et pour qui les conditions du retour à l’emploi ne seront pas réunies. !

 L’autre critique majeure de ce projet gouvernemental, réside dans l’effet d’aubaine pour une partie du patronat, d’accentuer une politique de trappe à bas salaire et de précarisation de l’emploi Quand au financement de cette « politique de solidarité » elle va peser essentiellement sur l’assurance vie, souscrite par 12 millions de français.

Ainsi, la mesure choc du gouvernement se résume encore et toujours par des sacrifices supplémentaires pour le monde du travail qui est appelé à financer la lutte contre la pauvreté. A cela, rappelons que l’assise du financement des minima sociaux fondé essentiellement sur la solidarité nationale est remise en cause et déporté sur la fiscalité locale.

 C’est bien la France de ceux qui se lèvent tôt, le monde du travail, les retraités qui vont soutenir par leur épargne la France de la précarité et de l’exclusion. Derrière l’affichage, il y a bien de la démagogie. Car, simultanément à cette annonce, le Ministre du Budget fait un geste en direction des entreprises pour réduire leurs impôts tandis que le Ministre de la Santé présente un décret visant la suppression de la Couverture Maladie Universelle Complémentaire, pour les personnes défavorisées n’ayant pas de médecin traitant. Pendant ce temps les plus riches sont épargnés et continuent de profiter des exonérations et déductions fiscales et du paquet fiscal de 15 milliards de l’été dernier. La lutte contre la pauvreté et l’exclusion appelle une politique qui cesse de favoriser les plus riches, qui cesse d’accroître les exonérations de cotisations sociales inefficaces pour l’emploi, le développement économique, les salaires et la protection sociale.

Tribune parue dans Libération du 29/08/2008 :

Article de Libération du 29/08/2008.

Une prime aux plus petits boulots.

Par Jean Gadrey, économiste, professeur à l’université de Lille.

Le revenu de solidarité active peut-il agir efficacement contre la pauvreté ?

 Depuis les années 1980, de nombreuses politiques publiques ont consisté à donner satisfaction aux entreprises cherchant à imposer petits boulots et temps partiel contraints aux salariés. Ces politiques ont été très « efficaces » : le nombre de travailleurs vivant dans la pauvreté a fortement progressé en France, pour atteindre 1,7 million. On pensait que la panoplie de ces politiques de flexibilité contrainte suffisait amplement. Eh bien, non. On en rajoute une couche avec le revenu de solidarité active (RSA), au nom de la lutte… contre la pauvreté salariale !

 Qu’est-ce que le RSA ? Lorsqu’un allocataire du RMI ou de l’API reprend un emploi, il existe déjà un système dit d’« intéressement » qui permet à cette personne de ne pas perdre, pendant un an, le bénéfice de son allocation. Il peut cumuler son nouveau salaire avec son allocation, intégralement pendant trois mois, partiellement pendant les neuf mois suivants. Le RSA, c’est une sorte d’intéressement permanent, principalement réservé aux érémistes reprenant un emploi à temps partiel et dont les revenus familiaux sont très bas. L’ ??tat leur verse, sans limite de temps, un supplément, plus important par exemple pour un quart-temps au SMIC que pour un mi-temps, et décroissant ensuite. Ce supplément est aussi calculé en fonction de la situation familiale.

 On nous dit : d’une part, cela va réduire sensiblement le nombre de pauvres (13,2 % de la population en 2006), d’autre part cela va contribuer à la création d’emplois, car les érémistes auront plus d’intérêt financier qu’avant à reprendre un emploi. Dans les deux cas, il n’en est rien.

 Réduire la pauvreté ? L’effet sera très faible ou nul à court terme, et peut-être négatif ensuite. D’abord, rien n’est prévu pour les millions de bénéficiaires de minima sociaux qui ne sont et ne seront pas en situation de reprendre un emploi (à commencer par les personnes âgées pauvres), ni pour les 18-25 ans et les chômeurs non ou peu indemnisés. Or on assiste actuellement à leur appauvrissement. Ensuite, avec le RSA actuel, on reste nettement en dessous du seuil de pauvreté (soit 882 euros en 2006 pour une personne seule) quand on perçoit le RSA en travaillant au SMIC à quart de temps ou même à mi-temps, ce qui va être le cas de la majorité des personnes concernées.

 Une incitation à reprendre un emploi ? D’abord, l’idée que les chômeurs ont d’abord besoin d’incitation financière ne résiste pas aux faits (voir l’Humanité du 22 décembre 2007). Ils ont avant tout besoin que l’économie crée des emplois décents, ce qui n’est pas le cas. Ensuite, s’agissant d’incitations, tous calculs faits (voir, par Pierre Concialdi, http://cidrolin.over-blog.fr/article-22436548.html), il apparaît qu’au cours de la première année, les « repreneurs d’emplois » à mi-temps ou moins gagnent un peu moins avec le RSA qu’avec le système actuel, et que ceux qui reprennent un emploi à plus d’un mi-temps y perdent beaucoup, jusqu’à 2 700 euros sur l’année pour un emploi au SMIC à temps plein (et plus si l’on tient compte de la suppression de la prime de retour à l’emploi) ! Ce n’est qu’à partir de la deuxième année que le RSA améliore un peu les choses. Comme progrès il y a mieux, pour des érémistes qui ne sont généralement pas en situation de faire des plans de carrière…

 En réalité, le RSA produit bien une incitation, mais en direction des employeurs : une incitation à laisser les gens végéter sur des miettes d’emploi parce que l’ ??tat leur verse alors un complément de salaire pérenne. On subventionne (indirectement et indéfiniment) d’autant plus les emplois qu’ils sont à temps partiel plus court ! On instaure une prime aux plus petits boulots, qui les rend plus attractifs… pour les employeurs, alors qu’ils sont à l’origine de la pauvreté salariale qu’on prétend combattre. C’est une politique de pérennisation des petits boulots et du temps partiel subi.

 Dans ces conditions, le RSA va sans doute jouer un (petit) rôle dans les créations d’emplois, mais il ne s’agira pas de vrais emplois. Le RSA va augmenter ce qu’on appelle le sous-emploi (1,4 million de personnes en 2007). Au même titre, par exemple, que les politiques d’encouragement aux « services à la personne » que Christine Lagarde montre en exemple, en oubliant de dire que la durée hebdomadaire moyenne de travail est de dix heures. Le temps partiel court comme horizon des politiques de l’emploi, le « travailler peu pour gagner peu », voilà ce qu’encourage et subventionne ce gouvernement, y compris avec le RSA.


Le RSA : aide aux pauvres ou aux employeurs ?

 Le RSA sera versé aux travailleurs, jusqu’à 1,04 SMIC. Il risque de provoquer une multiplication des emplois précaires et à temps partiel.
Le revenu de solidarité active (RSA), proposé par le haut-commissaire aux solidarités actives, Martin Hirsch, sera versé à partir du 1er juillet 2009. Il revêt une triple dimension. Premièrement, il remplace les allocations RMI et API (allocation de parent isolé), à montant inchangé (aujourd’hui 448 euros). Il s’agit alors d’un simple revenu minimum garanti, qu’il n’est pas question d’augmenter. Deuxièmement, il est une prestation d’« intéressement » censée inciter les allocataires de ces mimima sociaux à reprendre un travail même mal payé. Alors que les mécanismes d’intéressement actuels sont transitoires, le RSA sera pérenne. Il permettra un cumul partiel de la prestation sociale avec le salaire. Les derniers arbitrages financiers décidés par le gouvernement ont fixé le taux de cumul à 62 %. Cela signifie qu’un érémiste reprenant un travail touchera son salaire plus son RMI amputé de 38 % du salaire. Le dispositif s’annule à 1,04 SMIC (actuellement 1 374 euros brut par mois).

 Pour des raisons d’égalité, la même prestation est versée aux travailleurs qui touchent des salaires inférieurs à 1,04 SMIC, qu’ils soient ou non sortis d’un minimum social. C’est là le troisième aspect du RSA, qui s’apparente à un impôt négatif, comme la prime pour l’emploi versée actuellement à des salariés touchant entre 0,3 et 1,4 SMIC (de 396 à 1 849 euros bruts). Les deux dispositifs se recoupent donc partiellement. Si un salarié a droit aux deux, le RSA versé chaque mois est considéré comme un acompte sur la PPE calculée sur la déclaration fiscale. Au final, les futurs bénéficiaires du RSA correspondent donc aux actuels allocataires du RMI, de l’API, à une partie des salariés touchant la prime pour l’emploi, et à une nouvelle population qui touche un salaire trop faible pour avoir droit à la PPE. Celle-ci ne sera pas revalorisée en 2009, ce qui apportera quelques centaines de milliers d’euros pour financer le RSA.

 Avec le RSA, le gouvernement affirme vouloir « lutter contre la pauvreté », notamment pour ceux qui travaillent, mais il pourrait bien produire l’effet inverse. En subventionnant de façon pérenne les bas salaires, le RSA va constituer pour les employeurs une incitation à multiplier les emplois précaires ou à temps partiel. Avec au maximum 1,04 SMIC de revenus, des milliers de ménages vont franchir le seuil de pauvreté (880 euros par mois), sans sortir réellement de la pauvreté. Encore faut-il qu’ils retrouvent un travail : là encore, le gouvernement fait comme s’il existait un vivier d’emplois que les chômeurs refuseraient de prendre.

Article paru dans L’Humanité du 29/08/2008.

Article publié le 8 septembre 2008.


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