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Dettes publiques : troisième acte de la crise.

Quelle lamentable et scandaleuse impuissance des Etats face aux marchés financiers !

 Quelle caricature du politique et de la démocratie que de voir ces réunions à 8, à 12, à 27, où chefs d’Etats et ministres des finances s’essoufflent lamentablement derrière les « agences de notation » au nombre de trois (Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s) qui chaque jour en rajoutent une couche en disqualifiant un peu plus les créances de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, etc.

 Quelle effarante hypocrisie des gouvernements qui font mine de prendre l’affaire à bras le corps quand en réalité ils n’agissent qu’en réaction aux états d’âme des « marchés financiers » ! Marchés financiers qui ne sont au final que les banques, les compagnies d’assurance et les grands fonds d’investissement.

Oui toute dette implique un risque de solvabilité aux échéances de remboursement. Oui la dette d’un Etat, comme toute autre dette, nécessite d’évaluer son avenir et ses rythmes probables d’acquittement. Oui il y a derrière la dette grecque ou italienne (pour ne prendre que ces deux cas) une longue histoire de gestion scandaleuse du bien public. Mais comment accepter (au regard de ce qui est en train de se produire au plan social en Europe, aux Etats- Unis et au Japon) que les taux d’intérêt appliqués aux dettes publiques soient pilotés par ces agences de notation, poissons pilotes de la finance privée ? Car leurs « notes » commandent l’évolution des taux d’intérêt (le risque possible), taux d’intérêt qui ne sont que la valeur spéculative des créances sur les marchés privés de la dette... publique. Si la dette publique est ainsi privatisée, que reste-t-il de public dans les orientations financières des gouvernements ?

C’est pourquoi la pantomime des réunions gouvernementales fait pitié. Car derrière cette incapacité à arrêter cette spirale, se trouvent, enfouies sous 25 années de libéralisme, des responsabilités politiques directes et la décision de se livrer pieds et poings liés à la finance privée. Les gouvernements sont bien les premiers responsables de cette mécanique infernale. Ce sont bien eux qui ont décidé…

 que l’Union européenne resterait un vaste « zone de libre échange » de mise en concurrence de tous contre tous, sans budget central.

 que la banque centrale européenne (émettrices des monnaies) serait indépendante des Etats ;

 que ces derniers (essentiellement en zone euro) ne pourraient emprunter que sur les marchés financiers mondiaux et donc privés ;

 que le système bancaire serait totalement privatisé, devenant un des acteurs majeurs de ces marchés et perdant toute fonction d’appui aux politiques économiques publiques ;

 que les marchés financiers deviendraient juges et parties du risque sur les dettes publiques .

Et c’est encore eux qui s’apprêtent à faire entrer dans les constitutions nationales le fait que les budgets nationaux doivent être impérativement à l’équilibre, c’est-à-dire privés de toute marge de manœuvre financière ou monétaire. En France, un premier vote parlementaire est allé dans ce sens. L’omniprésident veut à présent s’en servir comme arme électorale en faisant passer les représentants de l’opposition pour d’irresponsables creuseurs de déficits. Fillon en appelle même à l’unité nationale et à la patrie en danger.

Notre couple de gouvernants oublie bien entendu de rappeler ( comme cela a été confirmé par trois rapports successifs , Cour des Comptes, INSEE et rapport parlementraire Carrez ) que 60 % des déficits actuels trouvent leur sources dans les politiques fiscales au bénéfice des plus riches, les 40 % restant étant imputable à la crise et à la transformation d’une grande partie des dettes bancaires privées en dettes publiques . Le texte gouvernemental prévoit de définir sur trois ans l’évolution des recettes et dépenses du pays, en visant un retour à l’équilibre global entre recettes et dépenses, qui s’imposerait ensuite à toute l’action publique, tant au niveau de l’Etat que des collectivités territoriales.

Les mêmes n’étaient-ils pas pitoyables quand ils expliquaient dès 2009 que se profilait déjà la fin de la crise ? Car voici que se dévoile maintenant le troisième étage de la crise ouverte fin 2007 :

La zone euro est désormais un bateau ivre.

 La fameuse reprise économique aux Etats-Unis est en train de se transformer en dangereuse stagnation, nourrie par une dette vertigineuse de plus de 14.300 milliards de dollars et un dessèchement du marché du travail.

Le Japon est incapable de faire face aux conséquences économiques des catastrophes naturelles qu’il a subies.
Et sans doute faut-il y ajouter une dangereuse montée de l’inflation en Chine ainsi que les effets de spéculation sur le prix des matières premières etc.

Tout cela prend racine dans la crise de 2007, dans une crise due à la cupidité, à la spéculation et à plus d’un quart de siècle de stagnation salariale.
Ensuite le scénario s’est presque écrit tout seul : aide des Etats aux banques, récession, stagnation de la demande dans les pays occidentaux, plans d’austérité d’une violence inouïe qui accentue le délabrement social, fuite en avant de la dette... Il faut, en effet, sans cesse rappeler que la dette des Etats européens est pour l’essentiel détenue par la finance privée. C’est ainsi que la boucle est bouclée. Ceux qui portent la responsabilité de la déflagration de 2007 spéculent aujourd’hui et se fond du gras sur les créances européennes.

Le bilan honteux du libéralisme

Devant pareil scandale, une seule question vient à l’esprit : pour combien de temps encore ? Combien de temps les populations vont-elles supporter cela ? Combien de temps les reculs programmés de l’âge de la retraite ? Combien de temps le démantèlement des services sociaux ? Combien de temps ces réunions gouvernementales pathétiques qui, face aux besoins de la finance privée, se terminent inévitablement par de nouvelles mesures de restriction pour les populations ?

Tous les ingrédients d’un troisième acte de la crise sont donc réunis. Car à partir du moment où les dettes publiques sont devenues des produits financiers spéculatifs disponibles sur le marché, il y a les gagnants probables qui jonglent au jour le jour en jouant sur les taux, et il y a les perdants potentiels parce que trop englués dans leurs stocks de dettes publiques pour pouvoir en sortir rapidement. C’est le cas des banques françaises qui détiennent pour près de 150 milliards d’euros de dette grecque, italienne et espagnole notamment.

C’est aussi le cas de six banques espagnoles qui présentent de sérieuses insuffisances de fonds propres pour faire face à un nouveau choc bancaire. Ces exemples abondent.

Or, au moindre défaut de remboursement d’un Etat, ces fragilités supposées ou révélées reproduiront ce qui s’est passé en 2008 : les banques n’oseront plus se prêter mutuellement et le marché interbancaire se bloquera à nouveau. Faudra-t-il alors recommencer l’aide financière massive des Etats aux banques privées, comme en 2008 ? Avec des conséquences économiques et sociales exponentielles. Or, c’est bien ce qui pourrait nous arriver dans les prochaines semaines ou mois. C’est tout un système qui part en vrille. Un système marqué par 25 ans de transfert de richesse vers le capital ( la part des salaires dans la valeur ajoutée produite a ainsi baissé en France de 10 % par rapport à 1982 ) et par la mise en place de politiques marquées par la pression dominante de la finance privée. Combien de temps encore ?

Article publié le 22 août 2011.


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