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Observatoire des inégalités : la misère persiste en France. Publication du premier rapport sur la pauvreté en France.

Deux millions de personnes vivent avec moins de 700 euros par mois. Plus de 200 000 vivent dans des logements indignes ou à la rue. La France est l’un des pays les plus riches au monde, mais notre pays est loin d’avoir éradiqué la misère.

TELECHARGER LE RAPPORT COMPLET :

Rapport sur la pauvreté en France en 2018.

  Extrait du rapport publié par l’Observatoire des inégalités :

En France, plusieurs centaines de milliers de personnes ne connaissent pas des difficultés de fin de mois, mais un manque d’argent permanent. Elles vivent avec 600 ou 700 euros par mois, parfois bien moins, et doivent se contenter du strict minimum. Quelle est au juste l’ampleur de la misère dans notre pays, l’un des plus riches au monde ? Pour tenter de mesurer le phénomène, nous avons opté pour quatre indicateurs différents : le nombre de personnes dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté à 40 % du niveau de vie médian, celui des allocataires de minima sociaux, des mal-logés et enfin, des bénéficiaires de l’aide alimentaire [1].

Les très bas revenus

En France, 2,1 millions de personnes vivent avec au mieux 684 euros par mois pour une personne seule, niveau de vie qui correspond à 40 % du niveau de vie médian, selon les données 2016 de l’Insee. Pour elles, il est quasiment impossible de vivre dignement et en particulier de se loger sans des compléments de revenus : l’aide de parents, d’amis, des petits boulots ou du travail non déclaré. Malheureusement, les données de l’Insee ne permettent pas de nous en dire beaucoup plus. On ne sais pas combien de personnes avec 300 ou 400 euros par mois par exemple (sous le niveau du RSA), hors des filets de sécurité des prestations sociales.

Vivre avec le minimum social

Quatre millions de ménages, selon le ministère des Solidarités (données 2016), doivent se contenter de minima sociaux, ce qui représente plus de six millions de personnes si l’on comprend les conjoints et les enfants. Si l’allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse atteignent respectivement 860 et 830 euros mensuels, le montant du RSA socle est de 551 euros pour une personne, 1 157 euros pour un couple avec deux enfants en 2018 [2]. De trop faibles revenus pour vivre décemment qui contraignent, là aussi, à faire appel à la famille, aux amis, aux associations ou à accepter n’importe quel « petit boulot ».

L’insécurité alimentaire

Pour manger, près de cinq millions de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire en 2015 [3]. Un chiffre qui regroupe les données des Restos du Cœur, du Secours populaire français, de la Croix-Rouge française et de la Fédération française des banques alimentaires (qui inclut des associations locales partenaires et des centres communaux d’actions sociale).

Par ailleurs, selon l’Insee, 3,5 % de la population n’avait pas pris de repas complet durant une journée entière au cours des deux dernières semaines précédant l’enquête menée en 2016. Une étude plus ancienne (2005-2007), menée par l’Agence nationale de la sécurité alimentaire (Anses, étude Inca2) évaluait à 12,2 % la part de la population qui déclarait ne pas pouvoir manger tous les aliments qu’elle aurait souhaité pour des raisons financières. Parmi elles, 0,9 % de la population indiquait ne pas avoir assez à manger, « souvent » ou « parfois », ce qui représente tout de même environ 600 000 personnes.

Les très mal-logés

Selon la Fondation Abbé Pierre [4], 2,4 millions de personnes vivent dans des logements dégradés. Parmi elles on compte notamment deux millions de personnes qui vivent dans des logements très inconfortables. 934 000 personnes habitent dans des logements surpeuplés. 800 000 personnes n’ont pas de domicile personnel, dont plus de 600 000 sont hébergées de façon contrainte chez des tiers. Parmi elles, près de 70 000 n’ont aucun lien familial avec celui qui les reçoit.

143 000 personnes ne disposent pas de domicile personnel et utilisent les services de jour d’hébergement d’urgence selon l’Insee [5]. Si l’on y ajoute 85 000 personnes qui vivent dans des habitats de fortune, plus de 200 000 personnes vivent dans des conditions de logement indignes. Ce chiffre ne comprend ni une partie des sans-domicile, qui ne fréquente aucun centre et ne sont pas recensés, ni la plupart des gens du voyage.

Certes, notre pays protège plus que d’autres les plus pauvres. La part des personnes qui vivent dans la grande pauvreté – au seuil à 40 % du revenu médian – est presque deux fois supérieure au Royaume-Uni. Il n’en demeure pas moins que des dizaines de milliers de personnes vivent dans des conditions indignes, dorment dans la rue, vivent dans des mobil-homes ou des caves. Ces situations sont vécues d’autant plus violemment que cette misère persiste au cœur d’une société où les niveaux de vie sont très élevés, où les conditions de logement se sont améliorées au cours des dernières décennies et où l’accès à la consommation s’est largement diffusé.

Le retour des bidonvilles ?

Selon la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées (DIHAL), 15 000 personnes vivent dans 573 « campements illicites », nouveau terme pour décrire les bidonvilles [6]. Le nombre réel est sans aucun doute plus important compte tenu des difficultés de mesure, même si on est encore très loin des 100 000 personnes recensées au milieu des années 1970 [7]. Dans chacun des bidonvilles de Nanterre ou de Champigny-sur-Marne, en banlieue parisienne, on comptait alors plus de 10 000 personnes. Il faut noter par ailleurs que l’Insee recense 85 000 personnes vivant dans un habitat de fortune (cabane, camping, etc.) : il ne s’agit pas explicitement de bidonville, mais de conditions extrêmement précaires de logement.

Article publié le 1er janvier 2019.


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