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Sécurité sociale : la saignée programmée par le gouvernement.

Articles parus dans L’Humanité des débats du 28 septembre 2013.

  Les dépenses de santé encore rabotées

Le gouvernement prévoit le retour du «  trou  » de la Sécurité sociale à son niveau d’avant la crise, avec 12,8 milliards d’euros de déficit en 2014. Mais pour y parvenir, il décide un tour de vis sans précédent sur le budget de l’assurance maladie, ponctionne les retraités et les familles.

Le budget de la Sécurité sociale pour 2014 table sans surprise sur une baisse du déficit du régime général à 12,8 milliards d’euros, contre 16,2 milliards en 2013. « Le meilleur résultat depuis que la crise est intervenue ! » s’enflamme le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve.

Le fameux « trou » s’améliorerait ainsi de 3,4 milliards d’euros, ce qui le ramènerait à un niveau proche d’avant la crise de 2008. « C’est un résultat très important, car il montre que la fatalité peut être combattue », se félicite la ministre de la Santé et des Affaires sociales, Marisol Touraine, qui a tenu à rappeler que sans les « efforts de redressement » entrepris, le déficit s’élèverait en 2014 à 21,5 milliards d’euros.

Il est vrai que, malgré une conjoncture défavorable, alors même que la hausse du chômage a entraîné une baisse des cotisations, privant la Sécurité sociale d’une partie de ses recettes, le déficit a reculé, comparé aux niveaux atteints en 2012 (17,5 milliards d’euros) et 2011 (20,8 milliards).

Pour atteindre ses objectifs en 2014, le gouvernement programme 4,4 milliards de réduction de dépenses, ainsi que 4,2 milliards de recettes nouvelles. Dans les deux cas, les assurés, actifs et retraités sont lourdement mis à contribution. Ces derniers mois, le gouvernement a annoncé des réformes des branches retraite et famille qui devraient générer des économies respectives de 2,5 milliards d’euros pour l’un et un milliard pour l’autre.

Mais la moitié des efforts d’économies portera sur la seule assurance maladie. Ne pas s’y attaquer, «  c’est prendre le risque de la privatisation !  », assure la ministre de la Santé, en évoquant un «  effort historique  ». Reste que, de l’assurance maladie à la famille en passant par la retraite, avec le PLFSS 2014, la Sécu subit une fois encore la loi de l’austérité, alors que d’immenses besoins de protection sociale demeurent insatisfaits.

1. Des prestations familiales « rénovées » au détriment des familles

« Une politique familiale plus juste. » C’est en ces termes que le gouvernement tente de faire passer les coups de rabot portés à la branche famille, qui affiche un déficit de 2,8 milliards d’euros en 2013. Le gouvernement table sur un recul de 2,3 milliards via notamment la baisse du plafonnement du quotient familial pour rétablir l’équilibre de cette branche.
Annoncée en juin après avoir abandonné l’idée de toucher aux allocations familiales, cette mesure doit permettre d’économiser un milliard dès 2014. Mais, au passage, elle se traduira par une augmentation des impôts supplémentaires pour 1,3 million de ménages avec enfants ! Instauré en 1945 pour alléger l’impôt des foyers avec enfants, le quotient offre aux ménages imposables une réduction fiscale croissante en fonction du nombre d’enfants et du niveau de revenu, plafonnée à 2 000 euros par demi-part.

Seront touchés ceux gagnant plus de 5 370 euros par mois pour un couple avec un enfant, 5 850 euros avec deux enfants et 6 820 avec trois enfants. Le gouvernement confirme également la diminution de la prestation d’accueil du jeune enfant pour les ménages dont les revenus dépassent 3 250 euros.

De même, la réduction d’impôt pour frais de scolarité des enfants au collège et au lycée est supprimée pour les ménages imposables. Le gouvernement table sur une économie de 200 millions d’euros sur les prestations familiales. Les salariés passent à la caisse, mais pas les employeurs. En effet, les cotisations familiales 
des entreprises, qui représentent 65 % des recettes de cette branche, vont être allégées dès l’année prochaine (de 0,15 point sur 5,4 points), en échange de leur contribution 
à la réforme des retraite. Cette baisse sera « intégralement compensée », promet le gouvernement, 
sans aucune précision. Des économies, donc, mais aucune ressource complémentaire, encore moins de la part des entreprises.

2. Nouveau tour de vis « historique » 
sur les dépenses de santé

La moitié des efforts d’économies pour redresser le trou de la Sécu portent sur l’assurance maladie, à qui l’État reproche un déficit de 7,7 milliards d’euros, ce qui représente 57 % du déficit du régime général, contre 44 % en 2012.

L’objectif aujourd’hui est clair : en 2014, les dépenses d’assurance maladie devront atteindre 179,2 milliards d’euros, pour un déficit de 6,2 milliards. Du coup, l’augmentation des dépenses de santé (Ondam) devrait être limitée à 2,4 %, l’année prochaine. Un taux historiquement en baisse continue depuis 2002, alors que les besoins augmentent naturellement chaque année en raison du vieillissement de la population et des nouvelles pathologies.

Cette situation implique de réaliser près de 2,9 milliards d’économies, un montant jamais atteint. Pêle-mêle, le gouvernement prévoit des baisses de prix des médicaments, auxquelles s’ajouteront des baisses de prix des dispositifs médicaux pour 120 millions d’euros, des actions de maîtrise des prescriptions pour 600 millions d’euros, des baisses de tarifs des radiologistes et des biologistes médicaux pour 130 millions d’euros. L’hôpital sera ponctionné à hauteur de 440 millions d’euros, avec, notamment, des mesures « d’efficience des achats ».

Le gouvernement suit en cela les préconisations de la Cour des comptes, qui parlait de « gisements d’économies considérables », en proposant notamment de développer la chirurgie ambulatoire.

La ministre a également annoncé la mise en place d’un nouveau processus de paiement dans les hôpitaux : la tarification à l’activité modulable, qui sera plus avantageuse pour les petits établissements isolés et dégressive pour les gros hôpitaux, ce qui devrait permettre de prévenir la course à l’acte. Rien de bien nouveau, au final. Le gouvernement a changé de bord mais la méthode reste la même, à la différence que les patients, sous le gouvernement Hollande, ne sont pas directement ponctionnés. Conformément à ses promesses, la ministre de la 
Santé n’a engagé aucun déremboursement, ni aucune baisse de prestations. Des mesures pour amorcer la stratégie nationale de santé, qui vise une meilleure coordination médecine de ville-hôpital, sont également prévues, comme la rémunération des médecins sur objectifs de santé publique ou la hausse des expérimentations de paiement au forfait pour travail en équipe.

3. Médicaments : un gisement 
d’économies pour le gouvernement

Comme l’année précédente, l’industrie pharmaceutique est largement mise à contribution. Baisse du prix des médicaments, optimisation du prix des génériques ou encore baisse du prix des médicaments sous brevet devraient donner 960 millions d’euros d’économies. Ce qui fait bondir la Fédération de l’industrie pharmaceutique, qui estime que « les pouvoirs publics font malheureusement une fois de plus peser l’essentiel des mesures d’économies sur le médicament ». Cette décision est en « incohérence avec la politique industrielle », se lamentent les laboratoires, rappelant que le secteur du médicament pesait pour 15 % des dépenses, mais a déjà contribué à 56 % d’économies.

En même temps, s’il y a bien un secteur qui engrange encore de copieux bénéfices, c’est celui de l’industrie pharmaceutique ! La ministre a par ailleurs créé la surprise en annonçant une expérimentation visant à dispenser les médicaments à l’unité pour permettre à la Sécurité sociale de réaliser des économies. Une initiative qui soulève des interrogations au vu des règles de sécurité, de stockage et des informations liées à l’utilisation des médicaments....

4. Les enjeux cachés de la généralisation 
de la complémentaire santé

L’effort sur les dépenses est d’autant plus important que le président de la République a assuré qu’il n’y aurait pas de nouvelle taxe pour améliorer les comptes de la Sécu. En revanche, le gouvernement a confirmé que l’avantage fiscal dont bénéficient les salariés sur les contrats complémentaires en entreprise (mutuelles, assurances privées...) serait supprimé. Par ailleurs, dans la droite ligne de l’amélioration de l’accès aux soins pour tous, le gouvernement propose de perfectionner la qualité des contrats proposés aux bénéficiaires de l’aide complémentaire santé et de simplifier l’accès à la CMU-C pour certains jeunes précaires.

Mais après la généralisation de la complémentaire santé, on peut craindre que cette mesure ne soit l’arbre qui cache la forêt. Elle laisse craindre une protection sociale à deux vitesses, avec une assurance maladie qui prendrait en charge les « gros risques » (type hospitalisation) et des complémentaires qui absorberaient les « petits risques ».

5. La réforme des retraites, partie
intégrante du cadre austéritaire

Pour passer en dessous des 13 milliards d’euros de déficit de la Sécu en 2014, le gouvernement s’appuie, notamment, sur la réforme des retraites, qui doit être examinée à l’Assemblée à partir du 7 octobre prochain. La mesure centrale est l’allongement progressif de la durée de cotisation à 43 ans (172 trimestres) d’ici à 2035 pour pouvoir toucher une retraite complète. L’impact des mesures annoncées cet été, comme la hausse des cotisations vieillesse ou le report de la revalorisation des pensions, atteint 2,5 milliards d’euros.

Le gouvernement espère que le solde de la branche s’améliorera sous l’effet du report au 1er octobre 2014, au lieu du 1er avril, de l’indexation des pensions, sauf pour les pensions les plus modestes (800 millions d’euros d’économies attendues dès 2014), et de la hausse de 0,15 point des cotisations patronales et salariales. La fiscalisation des majorations de pension bénéficiera à la branche vieillesse à compter de 2015. Avec le report de la revalorisation des pensions, cette mesure doit rapporter 2,7 milliards en… 2020. Au final, l’année prochaine, le déficit de la branche vieillesse devrait diminuer à 1,2 milliard contre 3,3 milliards en 2013.

Les médecins bien lotis. Les principaux syndicats de médecins libéraux se disent satisfaits de voir que, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), la médecine de ville est pour la première fois mieux dotée que l’hôpital. Le budget de la Sécu prévoit en effet 81 milliards pour la médecine de ville tandis que les sommes allouées aux hôpitaux sont de 75 milliards. Ces dernières années, les économies les plus importantes ont été réalisées sur la médecine de ville.


Malade d’un déficit de recettes : Les finances de la Sécu souffrent avant tout du chômage et de la faiblesse des salaires.

Après le budget de l’État, voici donc celui de la Sécurité sociale bâti par le gouvernement Ayrault, comme tous ses prédécesseurs depuis quelques décennies, à partir du même dogme : réduire la dépense publique. Mais la répétition d’une même erreur de diagnostic n’en fait pas une vérité : si des économies peuvent sans doute être réalisées, par exemple en donnant effectivement la priorité à une politique de prévention, d’éducation en matière de santé, la Sécu n’est pas, fondamentalement, malade d’un excès de dépenses, mais d’un déficit de recettes.

Cela vaut des années, mais le mal est évidemment aggravé avec la crise et son corollaire, la hausse du chômage, qui entraîne une baisse des cotisations. Les mesures d’économies du PLFSS 2014 frappant les retraités (gel, pendant six mois, des pensions), les familles (coup de rabot sur le quotient familial), ou pesant sur des hôpitaux souvent au bord de l’asphyxie, reviennent ainsi à infliger une double peine aux assurés sociaux déjà victimes de la crise économique.

La pérennité du système passe en réalité avant tout par la réduction du chômage, la création d’emplois de qualité et l’augmentation des salaires.

Ce qui appelle d’abord une rupture avec le cap de l’austérité retenu par le gouvernement. Au-delà, une réforme du financement de la Sécurité sociale devrait être à l’ordre du jour.
De substantielles recettes supplémentaires pourraient ainsi être générées si, comme le propose notamment la CGT, le taux de cotisation est modulé en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, afin de favoriser les entreprises qui l’augmentent et de pénaliser celles qui privilégient la rémunération de la finance.

Par ailleurs, l’institution d’une taxe sur les revenus financiers des entreprises, à même hauteur que la cotisation salariale, rapporterait à elle seule quelque 20 milliards d’euros, davantage que le déficit global de la Sécu (16,2 milliards d’euros prévus en 2013).

Article publié le 27 septembre 2013.


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